La directive Pratiques commerciales Déloyales et son interprétation par la Cour Européenne poursuit son entreprise de démolition du droit français des opérations promotionnelles.
L’on se rappelle que la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs et la jurisprudence de la Cour Européenne ont abouti depuis près de 5 ans à modifier sensiblement le droit de la consommation en France et notamment le cadre légal des opérations promotionnelles.
La position de la Cour Européenne reste et demeure la même, à savoir la directive de 2005 liste 31 pratiques commerciales qui sont par nature interdites et le droit français ne peut pas interdire ou même encadrer juridiquement des pratiques commerciales qui ne figurent pas dans cette liste.
En dehors de cette liste c’est au juge national de décider si la pratique est irrégulière c’est-à-dire déloyale en se reposant sur 2 critères : l’altération substantielle du comportement économique du consommateur et le non-respect du principe des exigences de la diligence professionnelle.
Concernant les offres de réduction de prix ou rabais, cela avait abouti à la publication d’un arrêté du 11 mars 2015 venant remplacer l’arrêté du 31 décembre 2008 lequel encadrait de façon stricte la présentation des offres de réduction de prix (cf. article « Vers des annonces de réduction de prix libéralisées » ).
L’on pouvait penser que l’arrêté du 11 mars était lui conforme à la directive de 2005 puisqu’il se contentait en 4 articles de dire que :
– pour être licite une offre de réduction de prix doit respecter les 2 critères posés par la directive et rappelés ci-dessus
– lorsqu’une annonce de réduction de prix est faite dans un point de vente, le point de vente doit afficher le prix réduit annoncé et le prix barré/prix de référence qui est déterminé de bonne foi par l’annonceur.
Cette simplification n’est pas encore suffisante au regard du droit européen.
En effet dans un arrêt du 8 septembre 2015, la Cour Européenne a jugé que la directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales devait s’interpréter en ce sens qu’elle s’oppose à des dispositions nationales (à savoir ici la réglementation française) qui interdisent des annonces de réduction de prix ne faisant pas apparaître le prix de référence lors du marquage ou de l’affichage des prix.
En l’espèce, le site Internet Cdiscount avait fait l’objet d’un contrôle de la DGCCRF lequel avait relevé plusieurs infractions et notamment le fait de ne pas avoir présenté sur les offres de rabais le prix de référence barré comme l’impose la réglementation.
Les juges appliquant strictement les dispositions en vigueur ont sanctionné CDiscount qui, devant la Cour de Cassation, a sollicité l’application des dispositions de la directive européenne de 2005.
C’est ainsi que la Cour de Cassation, dans la cadre d’une question préjudicielle, a interrogé la Cour Européenne.
Dans un premier temps la Cour Européenne estime qu’il appartient aux juridictions françaises le soin de décider si les dispositions de l’arrêté de 2008 poursuivent ou non une finalité tenant à la protection des consommateurs afin de vérifier si de telles dispositions sont susceptibles de relever du champ d’application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales.
Il ne fait à peu près aucun doute que c’est le cas. Ce texte vise à donner aux consommateurs une information complète sur l’opération promotionnelle qui lui est proposée (affichage des dates de l’opération, détermination des produits faisant l’objet de la réduction de prix, affichage du prix de référence, mode de calcul du prix de référence…). Il s’agit très clairement d’un texte qui a pour objet de protéger les consommateurs contre des pratiques de certains annonceurs.
La Cour Européenne constate ensuite que les dispositions de l’arrêté du 31 décembre 2008 prohibent de manière générale les annonces de réduction de prix qui ne font pas apparaître le prix de référence lors de l’affichage des prix. Or cette prohibition n’apparaît pas dans les 31 pratiques listées dans la directive et par conséquent cette disposition de l’arrêté de 2008 (qui a été reprise dans l’arrêté du 11 mars 2015) est bien contraire à la directive « pratiques commerciales déloyales » de 2005.
L’administration française va devoir à nouveau modifier son texte pour le rendre conforme au droit européen.