Deux décrets des 28 décembre 2015 et 4 janvier 2016 précisent les modalités d’application de la loi Macron du 16 août 2015 s’agissant du droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise. La tendance de restreindre les effets de ce texte se confirme.
Instaurée par la loi Hamon du 31 juillet 2014 [1], l’obligation préalable d’information des salariés en cas de cession d’entreprise avait été largement remodelée par la loi Macron l’été dernier. Les modalités finales d’application de ce dispositif sont désormais clairement établies, à commencer par son champ d’application précis.
Un champ d’application restreint
Première modification et de taille : le droit d’information des salariés n’est désormais plus applicable qu’aux seules ventes d’entreprises. Le terme de « cession » introduit dans la loi Hamon est remplacé, conformément au décret du 28 décembre 2015, par celui de « vente ». Sont ainsi désormais exclus du champ d’application du dispositif les autres transferts de propriété d’entreprises possibles, tels l’échange, l’apport en société, la donation, la transaction ou encore la fiducie.
Des modalités d’information clarifiées
Répondant à une volonté de clarification et de renforcement de la sécurité juridique, ces textes précisent également les modalités d’application des délais encadrant l’obligation préalable d’information.
Afin de leur laisser la possibilité de formuler une offre concurrente, les salariés doivent être informés du projet de cession deux mois avant la vente, au plus tard. Le décret du 28 décembre 2015 indique ainsi que la date de référence pour la détermination de ce délai est désormais celle de « conclusion du contrat de vente » et non plus celle, plus incertaine, à laquelle s’opère le transfert de propriété.
D’autre part, en cas d’utilisation de la lettre recommandée avec accusé de réception comme moyen de communication, l’information est dorénavant considérée comme délivrée au salarié à la première présentation dudit courrier. Le décret supprime en effet la référence à la date de remise effective de la lettre à son destinataire, ceci afin d’éviter toute pénalisation du vendeur en l’absence de remise possible.
Une sanction réadaptée et allégée
Vivement critiquée lors de son introduction, la sanction du non-respect de cette obligation d’information évolue. Pour toutes les ventes d’entreprises intervenues à compter du 1er janvier 2016, le non-respect de ce droit à l’information n’est désormais plus sanctionné par la nullité de la vente mais par une amende civile plafonnée à 2% du prix de cession (C. com., Art. L. 141-28 al. 5).
Une information triennale générale au contenu précisé
Outre le « DIPS », la loi du 31 juillet 2014 a également instauré un dispositif d’information des salariés, lequel s’applique périodiquement et indépendamment de tout projet de vente de l’entreprise. Sont concernées toutes les sociétés commerciales comptant de 50 à 249 salariés, y compris celles qui excéderaient les seuils de chiffre d’affaires ou de total de bilan au-delà desquels le droit à l’information préalable des salariés en cas de vente de leur entreprise n’est pas applicable.
Le décret du 4 janvier 2016 entré en vigueur le 5 du même mois liste ainsi le contenu précis de cette information, laquelle porte en particulier sur les possibilités de reprise de l’entreprise par les salariés, ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide dont ils peuvent bénéficier.
Cette information triennale qui, comme son nom l’indique, est organisée au moins une fois tous les 3 ans, doit ainsi comporter les éléments suivants (D. n°2016-2, 4 janvier 2016) :
1. Les principales étapes d’un projet de reprise d’une société, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant ;
2. Une liste d’organismes pouvant fournir un accompagnement, des conseils ou une formation en matière de reprise d’une société par les salariés ;
3. Les éléments généraux relatifs aux aspects juridiques de la reprise d’une société par les salariés, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant ;
4. Les éléments généraux en matière de dispositifs d’aide financière et d’accompagnement pour la reprise d’une société par les salariés ;
5. Une information générale sur les principaux critères de valorisation de la société, ainsi que sur la structure de son capital et son évolution prévisible ;
6. Le cas échéant, une information générale sur le contexte et les conditions d’une opération capitalistique concernant la société et ouverte aux salariés.
Le décret précise que l’information est présentée par le représentant légal de la société, ou son délégataire, lors d’une réunion à laquelle les salariés doivent avoir été convoqués par tout moyen leur permettant d’en avoir connaissance. Il est également indiqué que l’information, à l’exception des données mentionnées aux 5) et 6), peut être satisfaite par l’indication de l’adresse d’un ou plusieurs sites internet comportant ces éléments.
A ce sujet, précisons enfin que les chefs d’entreprise sont désormais exonérés de l’obligation préalable d’information en cas de vente de leur structure si, au cours des douze mois précédant la vente, celle-ci a déjà été portée à la connaissance des salariés en application de ce mécanisme d’information générale périodique (L. n°2014-856, 31 juill. 2014, Art. 18).
D. n°2015-1811, 28 déc. 2015 : JO, 30 déc 2015
D. n°2016-2, 4 janv. 2016 : JO, 5 janv. 2016
[1] Voir en ce sens notre article d’octobre 2014 « Les bonnes intentions de la loi relative à l’économie sociale et solidaire à l’épreuve de la réalité »