Paris s’est de nouveau embrasée sous la colère des chauffeurs de taxi, qui reprochent à Uber d’exercer à leur encontre une concurrence qu’ils jugent déloyale.
Au regard des textes en vigueur, ils semblent avoir raison. Il est en effet indiscutable qu’Uber ne respecte pas certaines dispositions du Code des transports introduites par la loi Thévenoud (loi n°2014-1104 du 1er octobre 2014).
En particulier, Uber n’a pas le droit d’informer ses clients de la localisation et de la disponibilité des véhicules, ce qu’il est convenu d’appeler la maraude électronique. Or, il suffit de lancer l’application pour constater que les véhicules disponibles sont localisés.
Cependant, Uber conteste la validité de ce texte et soutient qu’il lui serait inopposable.
Si le Conseil Constitutionnel, auquel ont été soumises plusieurs questions prioritaires de constitutionalité, s’est déjà prononcé sur le sujet, jugeant la loi conforme à la Constitution sur ce point, la Commission européenne a également été saisie et une enquête préliminaire est en cours.
Dans l’attente du résultat de cette enquête, Uber s’arque-boute sur ses positions et refuse d’appliquer la loi Thévenoud.
Le débat n’étant pas définitivement tranché, il serait prématuré de se prononcer sur le caractère déloyal ou non de la concurrence exercée par Uber, la déloyauté supposant la violation d’une règle de droit.
On peut en tout état de cause observer que les chauffeurs de taxis ne sont pas toujours aussi regardants quand il s’agit de leurs propres obligations légales et règlementaires.
En particulier, la loi Thévenoud leur impose de détenir un terminal de paiement électronique en état de fonctionnement et visible, tenu à la disposition du client.
Par ailleurs, ils ne peuvent en principe refuser une course que si elle est à destination d’un lieu situé en dehors du ressort de leur autorisation, ou pour des motifs légitimes qui sont fixés limitativement (clients situés à moins de 50 m d’une station de taxis où des taxis libres attendent, clients ou objets susceptibles de salir ou d’endommager le véhicule, clients accompagnés d’un animal, direction qui les éloigne de leur garage alors qu’ils terminent leur service dans la demi-heure suivante).
Il serait bien entendu excessif de dire que ces obligations ne sont généralement pas respectées par les chauffeurs de taxi, mais il serait mensonger de prétendre qu’elles le sont toujours. Ceux qui ont été contraints de retirer de l’argent à un distributeur en chemin comme ceux qui ont tenté en vain d’héler un taxi à une heure tardive dans les rues de Paris le savent bien, et ils sont heureux de trouver aujourd’hui une alternative dans les VTC.
Car au-delà des considérations juridiques, la vraie question qui se pose est celle de savoir si les intérêts d’une corporation doivent primer sur ceux du consommateur.
La réponse est évidemment non et on ne comprend pas très bien la raison pour laquelle l’Etat français devrait préserver le « gâteau » des chauffeurs de taxi. Hormis pour les activités qui relèvent du service public, la concurrence est en effet par principe une bonne chose.
A cet égard, l’argument des chauffeurs de taxi relatif au prix de leur licence (ou « autorisation de stationner ») n’est pas recevable pour la simple raison que ces licences sont attribuées gratuitement par la Préfecture.
Le fait qu’elles l’aient été au compte-goutte depuis des années par application d’un numerus clausus injustifié, que les listes d’attente soient interminables et qu’il existe de ce fait un marché parallèle de revente à prix d’or n’y change rien.
Cela a permis à de nombreux chauffeurs de taxi partant à la retraite de réaliser une belle plus-value, et on peut naturellement comprendre le désarroi de leurs successeurs qui craignent de voir la valeur de cet actif fondre comme neige au soleil. Cependant, même s’il est indirectement responsable de cette situation, il n’incombe pas à l’Etat de préserver la valeur spéculative de ces licences au détriment de l’intérêt des consommateurs.
Quoiqu’il en soit, le recours à la violence et la prise en otage des citoyens par une corporation sont insupportables. Sans parler du coût pour la collectivité que représente la mobilisation en nombre des forces de l’ordre (qui ont d’ailleurs d’autres tâches plus importantes à remplir à l’heure actuelle), des pompiers et des services de propreté chargés de nettoyer le tas d’immondices qu’est devenue la Porte Maillot.
En adoptant ces méthodes, les chauffeurs de taxi creusent leur propre tombe, les consommateurs excédés qui affirment ne plus vouloir faire appel à leurs services étant de plus en plus nombreux.
C’est toujours une erreur stratégique que de se mettre à dos ses clients.
Il est pourtant dans l’intérêt de tous que les taxis survivent à cette nouvelle concurrence, car un monopole qui change de main demeure un monopole.