La cession d’un bail implique qu’un bail puisse être cédé….

Par Nicolas Sidier et Aurélie Pouliguen-Mandrin

La pratique en matière de baux commerciaux, a recours à des actes conditionnant la cession d’un bail à sa résiliation et surtout à la conclusion d’un bail neuf entre le cessionnaire et le bailleur.

 

Dans un arrêt du 22 octobre 2015  (1) la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a sanctionné de la nullité ce mécanisme au visa des dispositions de l’article 1168 du Code Civil, en indiquant de façon très claire que :

 

« (…) la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du contrat doit être  réputée non écrite (…) ».

 

La Cour de Cassation ajoute au passage un critère de validité de la condition suspensive qui n’existe pas dans le Code Civil ; l’article 1168 ne dit en effet que :

 

« L’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu’à ce que l’événement arrive, soit en la résiliant, selon que l’événement arrivera ou n’arrivera pas ».

 

C’est en tout cas pas sur le terrain du statut des baux commerciaux mais bien sur celui du droit général des contrats que la Cour de Cassation s’est fondée pour annuler en l’occurrence un arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes qui avait rejeté la demande du vendeur d’un bail qui demandait l’exécution forcée de la vente malgré l’absence de conclusion du nouveau bail, laquelle constituait une condition suspensive prévue à l’acte de cession.

 

Cette décision paraît parfaitement légitime, tant sur le plan du bon sens que des règles du droit des contrats, qui en l’occurrence n’ont pas vocation à être remises en cause par le projet de réforme du droit des obligations.

 

L’objet de la convention est en effet une cession à ne pas confondre avec un droit de présentation au bailleur en vue de la conclusion d’un contrat auquel le cédant ne serait pas partie.

 

La Cour de cassation a motivé sa décision sur le terrain de la définition de la condition ; elle aurait aussi pu se fonder sur les dispositions relatives à l’objet ou à la cause qui déterminent la validité des conventions.

 

En retenant le visa de l’article 1168 du Code Civil, les juges préservent l’objet essentiel du contrat, à savoir la cession d’un bail, ce qui paraît conforme à la sécurité juridique.

 

Il n’en demeure pas moins que cet exemple illustre les précautions à prendre dans ce type d’opérations extrêmement fréquentes en pratique.

 

(1) Arrêt du 22 octobre 2015