La réparation d’une clause de non-concurrence nulle

Par Emmanuelle Sapène

Afin de protéger ses intérêts, une entreprise peut insérer, dans le contrat de travail de son salarié, une clause de non-concurrence en vertu de laquelle le salarié s’engage à ne pas travailler pour une entreprise concurrente ou à ne pas exercer une activité concurrente.

 

La clause de non-concurrence n’étant régie par aucune disposition légale ou réglementaire, c’est la jurisprudence qui a en défini les conditions de validité et d’application.

 

La Cour de cassation juge, de manière constante, qu’en vertu du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et du principe de proportionnalité de l’article L.1121-1 du Code du travail, « une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives » (Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 99-43.334).

 

En l’absence de l’une de ces conditions, le salarié peut invoquer la nullité de la clause de non-concurrence devant le juge prud’homal et demander des dommages-intérêts.

 

Jusqu’à récemment, la Cour de cassation estimait que la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence nulle causait nécessairement un préjudice au salarié et devait se solder par des dommages-intérêts (Cass. soc. 30 mars 2011, n° 09-70.306) ; et ce, même si ce dernier s’est engagé dès la rupture de son contrat de travail avec une société concurrente (Cass. soc. 20 novembre 2013, n° 12-16.049).

 

Dans la lignée d’un arrêt important du 13 avril 2016 (Cass. soc., 13 avril 2016, n° 14-28.293 FS- PBR) dans lequel elle est revenue sur sa jurisprudence admettant que certains manquements de l’employeur causaient nécessairement un préjudice au salarié, la chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 25 mai 2016.

 

Jugeant que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relevaient du pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond, la Cour de cassation a ainsi approuvé les juges du fond qui ont, pour débouter le salarié de sa demande d’indemnisation, constaté que le salarié n’avait subi aucun préjudice résultant de l’illicéité de la clause de non concurrence (Cass. soc. 25 mai 2016, n° 14-20.578 F-PB).

 

Il résulte de cet arrêt destiné à une large diffusion (il sera publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation et mentionné au bulletin d’information de la Cour) que désormais le salarié ne pourra plus obtenir de dommages-intérêts du seul fait que la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail est nulle.

 

Il devra démontrer l’existence du préjudice résultant de la nullité de la clause, et il appartiendra ensuite aux juges du fond d’apprécier la réalité du préjudice subi par le salarié et l’évaluer.

 

En d’autres termes, seul le salarié justifiant avoir respecté la clause de non-concurrence nulle édictée dans son contrat de travail (en refusant par exemple une offre d’embauche d’un concurrent) pourra obtenir des dommages-intérêts.