L’absence de rapport du CAC n’entraîne pas la nullité d’une réduction de capital

Par Nicolas Sidier et Pierre Détrie

La chambre commerciale de la Cour de cassation considère que l’absence d’établissement du rapport du commissaire aux comptes et de sa communication aux actionnaires préalablement à l’assemblée n’entraîne pas la nullité de cette dernière [1].

 

Dans cette espèce, l’assemblée générale de la société Louis Max avait voté un coup d’accordéon (réduction de capital motivée par des pertes suivie d’une augmentation de capital) afin d’assainir sa situation financière, la société ayant engrangé de lourdes pertes.

 

Rappelons qu’en cas de réduction motivée ou non par des pertes, le deuxième alinéa de l’article 225-204 du Code de commerce stipule qu’un « rapport établi par le commissaire aux comptes sur l’opération envisagée est communiqué aux actionnaires de la société » et que « l’assemblée statue sur le rapport des commissaires qui font connaître leur appréciation sur les causes et conditions de la réduction ».

 

Les plaignants, actionnaires minoritaires ayant voté contre le coup d’accordéon, tentaient d’obtenir l’annulation de l’assemblée générale au motif que le rapport des commissaires n’avait pas été établi et par conséquent n’avait pas été communiqué aux actionnaires préalablement à l’assemblée, étant précisé que l’histoire ne dit pas si ceux-ci ont souscrit à l’augmentation de capital subséquente ou ont été sortis de la société du fait de la réduction de capital à zéro.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt d’appel, celui ayant énoncé à bon droit que les dispositions de l’article précitées ne sont pas prescrites à peine de nullité.

 

Selon ces actionnaires, l’inobservation des dispositions de l’article L. 225-204 al. 2 justifiait que l’assemblée soit frappée de nullité sur le fondement de l’article L. 235-1 al. 2 qui prévoit la nullité des actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts en cas de violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats. La Cour de cassation répond par la négative.

 

Elle avait déjà eu l’occasion de juger qu’une décision d’assemblée de réduction de capital était valable bien que cette assemblée n’ait pas statué sur le rapport du commissaire aux comptes dès lors que le rapport avait été tenu à la disposition des actionnaires au siège social dans le délai légal (Cass. com., 10 octobre 2000).

 

L’appréciation des faits par la Cour d’appel est intéressante en ce qu’elle a relevé que l’ensemble des actionnaires était présents ou représentés lors de l’assemblée au cours de laquelle le président avait soumis aux actionnaires un rapport de 15 pages décrivant en détail la situation de la société et que les demandeurs au pourvoi avaient voté contre. La Cour d’appel en déduisait que la connaissance d’un rapport du commissaire aux comptes même défavorable n’aurait pas modifié le sens de la décision.

 

A cet égard, il convient de souligner le pragmatisme de la solution consistant à couvrir l’inobservation d’une disposition légale par le fait que le résultat aurait été le même que celle-ci soit observée ou non.

 

Certes, aucune nullité impérative ni facultative n’est prévue mais les réductions de capital, a fortiori les coups d’accordéon, sont des opérations par nature sensibles. Les commissaires aux comptes doivent ainsi s’assurer que l’égalité entre actionnaires a été respectée (article L. 823-11 du Code de commerce) et le Code de commerce prévoit des sanctions pénales à l’encontre des dirigeants qui ne respecteraient pas ce principe.

 

[1] Cass. com., 15 mars 2017, n°15-50021