Les intentions du gouvernement sur la limitation des promotions et la directive sur les pratiques commerciales déloyales : Le Match

Par Fabien Honorat

A la sortie des Etats Généraux de l’alimentation organisés pour tenter de trouver des solutions pérennes aux difficultés que connaissent nos agriculteurs, le gouvernement a émis comme possible solution de limiter les promotions sur les produits alimentaires dans les supermarchés.

 

Sans que le mécanisme soit précisément présenté, il s’agirait de limiter les réductions de prix à 34% du prix de référence du produit et de les limiter à 25% du volume annuel de produits vendus.

 

Le gouvernement envisage une expérimentation de ce cadre sur deux ans.

 

Sans revenir sur le bienfondé ou non de cette démarche, elle pourrait d’un point de vue strictement juridique se heurter aux dispositions de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.

 

Ce texte européen s’applique à toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs (article 2 d).

 

Les modalités de vente d’un produit et sa promotion font donc intégralement partie des sujets traités par cette directive.

 

Ce texte liste 31 pratiques qui sont par nature déloyales et donc illicites. En dehors de ces 31 pratiques, la directive fixe deux critères cumulatifs pour déterminer le caractère déloyal d’une pratique commerciale :

 

– Le respect des exigences de la diligence professionnelle,

 

– L’altération substantielle du comportement économique des consommateurs.

 

Le texte européen procède à une harmonisation complète ce qui implique que les États membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par ladite directive.

 

Ainsi, la Cour européenne a pu à maintes reprises rappeler qu’en dehors de ces 31 pratiques listées par la directive un gouvernement européen ne pouvait interdire, encadrer ou limiter juridiquement une pratique commerciale.

 

C’est ainsi qu’en France les cadres juridiques interdisant ou règlementant les ventes liées, les ventes avec prime, les annonces de rabais ont été progressivement retirés de notre paysage réglementaire sous la pression de la Commission et de la Cour Européenne.

 

A titre d’exemple par un arrêt du 10 juillet 2014, la Cour Européenne avait considéré que la réglementation belge qui interdisait les promotions sur le prix de moins d’une journée ou de plus d’un mois était contraire à la directive de 2005. Cette règle ne faisait par partie des 31 pratiques listée par la directive et l’Etat Belge ne pouvait donc pas imposer des règles plus strictes.

 

Ce raisonnement pourrait s’appliquer à la limitation des réductions de prix à hauteur de 34% du prix de référence envisagée par le gouvernement.

 

Il s’agit d’un encadrement d’une pratique commerciale qui ne figure pas dans les 31 pratiques réputées déloyales au sens de la directive, et la mise en œuvre de ce nouveau cadre contraignant pourrait par conséquent être jugée illicite par la Cour Européenne.

 

Le match n’est toutefois pas forcément perdu d’avance pour le Gouvernement.

 

En effet, la Cour Européenne prend soin de qualifier préalablement la disposition légale qui lui est soumise afin de savoir si le texte en question poursuit ou non une finalité tendant à la protection des consommateurs. En effet, seules les dispositions ayant cet objectif sont susceptibles de relever du champ d’application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales.

 

Ce fût ce raisonnement qui a amené la CJUE à sanctionner les dispositions belges sur la revente à perte (Arrêt CJUE du le 7 mars 2013 – C-343/12) et celles, françaises, concernant la publicité des annonces de réduction de prix (Arrêt CDiscount du 8 septembre 2015).

 

Ce fut également ce raisonnement qui a conduit la Cour d’Appel de Douai à considérer que la règlementation française sur la revente à perte ne devait pas être soumise à la directive sur les pratiques commerciales déloyales en ce que cette règlementation visait avant tout à protéger les concurrents entre eux et non pas les consommateurs (Arrêt du 31 mars 2016, n° 15/02238).

 

En d’autres termes, concernant le projet du Gouvernement, si cet encadrement du montant maximum des réductions de prix vise avant tout à protéger ou réguler les opérateurs économiques entre eux et non à protéger d’une manière directe ou non le consommateur, la directive de 2005 ne serait pas applicable et le mécanisme envisagé par le Gouvernement pourrait échapper au couperet communautaire.

 

Le Gouvernement aura tout intérêt à prendre un soin particulier dans la rédaction de l’exposé des motifs de sa loi en mettant en avant clairement l’objectif premier de ce nouveau cadre qu’il souhaite imposer à titre expérimental.