Les statuts de SAS contiennent fréquemment une clause faisant référence à l’existence d’un pacte dont la violation serait assimilée à celle des statuts. Cela étant posé, il était classiquement admis que si la violation d’une clause statutaire encourt la nullité, celle d’un pacte en revanche n’oblige l’auteur du manquement qu’à des dommages-intérêts.
L’article L. 227-15 du Code de commerce ne disposant en effet que : « toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle », rien ne garantissait que la sanction soit identique concernant une violation d’un pacte d’où abondantes discussions animant la pratique.
C’est dans ce contexte que la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 27 juin 2018, n°16-14.097) vient de juger que la cession intervenue en violation du pacte d’associés est nulle.
En l’espèce, un pacte d’associés avait été conclu lors de l’acquisition d’une société entre un investisseur financier et un associé personne physique notamment qui en était également salarié.
Des promesses de ventes avaient été consenties par les « managers », dont l’associé visé ci-dessus, au bénéfice de l’investisseur financier, exerçables en cas de cessation de leurs fonctions salariées.
Le pacte stipulait par ailleurs que les parties s’interdisaient de vendre leurs titres pendant la durée du pacte, soit en l’occurrence 10 ans.
Malgré cette stipulation, le manager cédait une partie de ses titres à des tiers mais, au préalable, avait l’idée ingénieuse selon lui, de résilier la promesse. Ce n’était donc pas le pacte mais une partie de celui-ci qui était résilié. La société, qui était partie au pacte, refusait d’enregistrer les ordres de mouvement. Le manager assignait aux fins d’obtenir la retranscription de la cession sur les registres sociaux.
La Cour d’appel de Paris avait ordonné la régularisation de la cession en retenant que la résiliation de la promesse constituait un fait juridique. Elle considérait que le pacte n’ayant pas prévu de sanction à la résiliation fautive de la promesse, celle-ci ne pouvait que se résoudre en dommages-intérêts. La réalisation des cessions devait donc être ordonnée.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation au visa de l’article 1134 du Code civil (ancienne numérotation) qui prévoyait que le contrat fait la loi des parties. Elle considère au contraire que la révocation unilatérale de la promesse et, par suite, la cession litigieuse constituaient une violation du pacte entraînant la nullité de la cession.
La solution est d’autant plus heureuse qu’elle consacre la force exécutoire du contrat, c’est-à-dire la conception classique du droit des obligations. Il faut relever que sous le nouveau régime du droit des obligations issu de l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1124 dispose désormais :
« La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul. »
La nullité sera désormais la sanction légale dès lors que les statuts prévoiront expressément une référence à l’existence d’un pacte ou d’une promesse extrastatutaire puisqu’aucun tiers ne pourra prétendre ne pas en avoir eu connaissance.