Les conflits entre associés peuvent se dénouer de différentes manières et la 3ème chambre civile de la Cour de cassation [1] vient de prononcer un arrêt appelé à la publication la plus large pour le rappeler.
Dans l’espèce commentée, l’associée d’une SCI avait vainement demandé au gérant de lui communiquer les comptes sociaux et de convoquer une assemblée générale chargée de statuer sur les comptes et l’affectation du résultat pour une période allant de 2004 à 2015. Elle assignait alors la société et obtenait la désignation d’un mandataire ad hoc pour une durée de 6 mois chargé de se faire communiquer les livres et documents sociaux, d’établir pour chacun des exercices un rapport et de réunir une assemblée générale afin de statuer sur les exercices clos de 2004 à 2015, les approuver et affecter le résultat.
La SCI affirmait que la désignation d’un administrateur provisoire était une mesure exceptionnelle qui suppose la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent. Elle reprochait à la Cour d’appel de s’être fondée sur une simple mésentente opposant les associés (il s’agissait d’un couple en cours de séparation) alors que l’associée à l’origine de la demande n’avait jamais participé à la vie sociale qui ne l’avait intéressée qu’à compter de la rupture.
La Cour de cassation estime que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision aux termes d’une formule lapidaire, à savoir que la désignation d’un mandataire ad hoc n’implique pas la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement de la société. Cette solution est bien venue.
On rappellera en conclusion qu’un administrateur provisoire est un mandataire désigné en justice et chargé, en cas de difficultés graves empêchant le fonctionnement de la société, d’assurer momentanément la gestion des affaires sociales. Le mandataire ad hoc est quant à lui désigné pour effectuer une opération ponctuelle et limitée (convoquer une assemblée, représenter un actionnaire etc.).
Le législateur n’a pas souhaité encadrer les missions du mandataire à l’exception des dispositions de l’article L. 611-3 du Code de commerce introduit par la loi du 26 juillet 2005 et qui se contente de prévoir :
« Le président du tribunal peut, à la demande d’un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc. La décision nommant le mandataire ad hoc est communiquée pour information aux commissaires aux comptes lorsqu’il en a été désigné.
Le tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal de grande instance dans les autres cas. »
La pratique du mandat ad hoc se révèle extrêmement utile non seulement dans les hypothèses de conflit mais de manière plus générale de difficultés dans la mesure où elle permet l’introduction d’un tiers – en principe professionnel du droit – dont la neutralité peut être le déclic de nature à faciliter la recherche d’une solution.
[1] Cass. civ3, 21 juin 2018, n° 17-13212.