Lors d’un procès, chaque partie doit respecter le principe de loyauté de la preuve vis-à-vis de l’autre partie.
Ainsi, au civil, la preuve versée aux débats par une partie qui a été recueillie à l’insu de l’autre partie est déloyale. De manière générale, tout recours à un stratagème ou à une provocation par une partie est déloyal (Cass. soc. 18 mars 2008, n°06-45.093).
En pratique, ce principe de loyauté s’analyse de plus en plus comme une limite au principe de liberté de la preuve.
Il est de jurisprudence constante que dans le cadre d’un litige prud’homal, le salarié puisse produire des documents auxquels il a eu accès à l’occasion de ses fonctions, lorsque cette production est strictement nécessaire à la défense de ses droits dans le litige qui l’oppose à l’employeur (Cf. notamment Cass. soc. 30 juin 2004, n°02-41.771).
La prise de connaissance de ces documents et des informations qui y sont contenues, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ne doit pas avoir été rendue possible par un procédé déloyal.
C’est cette règle que la chambre sociale de la Cour de cassation est venue rappeler dans l’arrêt du 27 novembre 2019 (n°18-19.237) à propos de la production en justice par une salariée de courriers électroniques échangés par de tierces personnes.
En l’espèce, une salariée, également déléguée syndicale, demandait l’annulation d’un avertissement et la reconnaissance d’une situation de harcèlement et de discrimination syndicale à l’encontre de son employeur.
Au soutien de ses allégations, elle versait aux débats plusieurs emails échangés par d’autres collaborateurs de l’entreprise, dont elle n’était ni l’auteur ni la destinataire.
Les juges du fond avaient écarté ces courriels au motif que la salariée ne démontrait pas qu’ils lui avaient été transmis volontairement par leur expéditeur ou l’un des destinataires et que par conséquent, ils restaient couverts par le secret des correspondances et protégés de toute violation par des tiers.
La salariée a formé un pourvoi en cassation en soutenant dans son premier moyen que lorsque cela était strictement nécessaire à l’exercice de ses droits en justice, un salarié pouvait produire des documents dont il a eu connaissance au cours de l’exercice de ses fonctions, et cela même s’il en résultait une atteinte à un droit fondamental ou au secret des correspondances, pour autant que l’atteinte était proportionnée au but poursuivi.
La Haute juridiction n’a pas suivi le raisonnement de la salariée et a rejeté le pourvoi, en retenant dans un attendu de principe que la preuve résultant de la production en justice de documents obtenus par un procédé déloyal est irrecevable.
Pour la Cour de cassation, ces courriels, couverts par le secret des correspondances, devaient être écartés des débats, faute d’avoir été remis volontairement à la salariée, laquelle ne faisait pas valoir qu’elle en avait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions de représentation.