La loi urgence sanitaire : points en matière sociale

Par Emmanuelle Sapène et Laëtitia Garcia

L’article 11 de la loi autorise le Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi (c’est-à-dire aujourd’hui le 24 mars) à prendre par ordonnance toute mesure pouvant entrer en vigueur rétroactivement au 12 mars 2020 si nécessaire, sur les sujets suivants.

 

–    Extension du recours à l’activité partielle

 

Afin de limiter les ruptures des contrats de travail, le gouvernement pourra prendre toute mesure pour renforcer le recours à l’activité partielle, notamment en :

 

–    l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, le dispositif d’activité partielle pourrait notamment être ouvert, selon l’exposé des motifs du projet de loi, aux travailleurs à domicile ou aux assistants maternels qui n’y ont pas accès jusqu’à présent ;
–    réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre ;
–    favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle pendant la baisse d’activité induite par la crise sanitaire ;
–    prévoyant une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel.

 

Ces points devront sans aucun doute être précisés par décret.

 

–    L’indemnité complémentaire au IJSS

 

Le gouvernement pourra adapter les conditions et les modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire au IJSS versée en cas d’arrêt de travail.

 

–    Congés payés

 

L’employeur pourra imposer ou modifier unilatéralement les dates de prise de congés uniquement s’il existe un accord de branche ou un accord d’entreprise le permettant, et dans la limite de 6 jours ouvrables.

 

Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 3141-16 du code du travail, l’employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue. L’objectif du texte serait donc de réduire ce délai de prévenance. Présenté comme un « effort raisonnable » demandé au salarié alors que l’État « met en place un plan exceptionnel pour sauver l’emploi et éviter les licenciements », le projet de loi autorisait ainsi le gouvernement à permettre à l’employeur de fixer une partie des congés pendant la période de confinement. Un amendement du Sénat – adopté en commission des lois – a toutefois précisé que cette possibilité ne saurait porter sur plus de six jours ouvrables.

 

–    Jours de RTT et jours de repos

 

Le gouvernement pourra permettre à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de jours de RTT, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le CET du salarié en dérogeant aux délais de prévenance prévus par le CT, par les CCN ou accords d’entreprise.

 

La loi n’impose pas la signature d’un accord d’entreprise ou un accord de branche le permettant, à la différence de la disposition prévue pour imposer les congés payés.

 

    Durée du travail et repos hebdomadaire et dominical

 

La loi prévoit que le Gouvernement pourra « permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ».

 

La notion de « secteur particulièrement nécessaires à la sécurité de nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » ou « d’activités essentielles » devra être précisée.

 

Tout comme l’étendue des dérogations possibles qui ne sont pas du tout précisées par la loi.

 

–    Prime de pouvoir d’achat

 

Le Gouvernement pourra modifier la date limite et les conditions de versement de la prime Macron, la prime de pouvoir d’achat.

 

Le Gouvernement a incité il y a quelques jours les entreprises à verser aux salariés mobilisés dans le cadre de l’épidémie cette prime exceptionnelle.

 

–    Intéressement et participation

 

S’agissant de l’intéressement et de la participation, le Gouvernement pourra prendre toute mesure pour modifier les dates limites et les modalités de versement des sommes au titre de ces dispositifs.

 

En effet, aux termes des articles L. 3314-9 pour l’intéressement et L. 3324-12 pour la participation, les sommes issues de la participation et de l’intéressement doivent être versées avant le 1er jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice de l’entreprise (soit le 31 mai lorsque l’exercice correspond à l’année civile). Ces délais légaux pourront donc être assouplis afin – selon l’étude d’impact – de permettre aux établissements teneurs de compte de ne pas être pénalisés par les mesures prises dans le cadre de l’épidémie.

 

–    Elections professionnelles

 

Le Gouvernement pourra adapter l’organisation des élections professionnelles dans les entreprises de moins de onze salariés en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;

 

–    Consultation du CSE

 

L’exposé des motifs de la loi indique que le recours massif au télétravail ou au travail à distance associé à un fort taux d’absentéisme peut rendre difficile l’application des procédures d’information-consultation du comité social et économique (CSE).

 

La loi autorise le Gouvernement à modifier provisoirement les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis. Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 2315-4 du code du travail, le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l’employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l’absence d’accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile. L’objectif de la loi d’urgence est de permettre l’adoption des mesures visant à faciliter le recours à une consultation dématérialisée de l’instance.

 

La loi autorise également le gouvernement à suspendre les processus électoraux des CSE en cours.

 

–    Suivi de l’état de santé des travailleurs

 

La loi permet d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions ; et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le code du travail.

 

–    Formation professionnelle

 

S’agissant de la formation et de l’apprentissage, le gouvernement est habilité à adapter les dispositions afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle.