Une association d’aide à domicile de la métropole de Lille, employant 900 salariés intervenant auprès de 4.000 personnes en perte d’autonomie ou atteintes d’un handicap, a été assignée par l’inspection du travail afin que lui soit imposée la mise en œuvre de la réglementation applicable aux activités exposant les salariés aux risques biologiques.
L’inspection du travail avait en effet jugé insuffisantes les mesures prises par l’association pour protéger ses salariés contre le risque d’exposition au Covid-19, à savoir l’annulation des interventions auprès des clients diagnostiqués positifs et la fourniture de gel désinfectant, de gants et de masques FFP2 datant de la grippe H1N1.
Aux termes d’une ordonnance longuement motivée rendue le 3 avril 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a ordonné la mise en œuvre de 13 des 14 mesures demandées par l’inspection du travail.
L’employeur faisait valoir que la réglementation relative à la prévention des risques biologiques n’était pas applicable à l’activité d’aide à domicile en l’absence d’utilisation délibérée d’agents biologiques.
En effet, l’article R. 4421-1 du code du travail impose des mesures de prévention spécifiques en cas d’activité exposant les travailleurs à des agents biologiques mais précise que « ces mesures de prévention ne sont pas applicables lorsque l’activité, bien qu’elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n’implique pas normalement l’utilisation délibérée d’un agent biologique et que l’évaluation des risques (…) ne met pas en évidence de risque spécifique ».
Le tribunal a écarté cet argument aux motifs que, si l’activité de l’association n’implique effectivement pas l’usage délibéré d’agents biologiques, en revanche son document unique d’évaluation des risques professionnels identifie un risque spécifique lié à l’intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel.
De ce fait, les dispositions du code du travail relatives à la prévention des risques d’exposition aux agents biologiques ont été jugées applicables et le tribunal a ordonné la mise en œuvre des 13 mesures suivantes :
- Définir des critères clairs et précis de maintien, d’aménagement ou de suppression des prestations ;
- Lister les prestations maintenues et celles supprimées ;
- Interroger les clients (ou leur famille) sur leur état de santé avant toute intervention et transmettre l’information aux salariés ;
- Imposer le port du masque aux clients présentant un symptôme tel qu’une toux légère ;
- Diffuser par écrit aux salariés les consignes relatives aux interventions et au port des équipements de protection individuelle ;
- Identifier par écrit les risques encourus selon l’état du client (asymptômatique, symptômes identifiés ou diagnostic positif) et fournir les équipements de protection individuelle appropriés ;
- Mettre en place une procédure de gestion et d’élimination des déchets constitués par les équipements usagés ;
- Définir par écrit des consignes relatives à l’utilisation des équipements de protection et l’obligation de signaler tout incident ;
- Fournir des instructions écrites sur le lieu de travail, notamment par voie d’affichage, et prendre des dispositions, intégrées au règlement intérieur, rappelant aux salariés l’obligation de signaler tout incident lié à un agent biologique ;
- Procurer des équipements de protection individuelle appropriés en quantité suffisante ;
- Informer tous les clients par écrit de la modification des conditions d’intervention ;
- Etablir avec le médecin du travail une liste des salariés exposés au risque d’agents biologiques ;
- Faire établir un dossier médical spécial tenu par le médecin du travail.
L’association dispose d’un délai de trois jours ouvrables à compter de la signification de l’ordonnance, et ce sous astreinte, pour mettre en place ces nombreuses mesures.