Après avoir requalifié la relation contractuelle entre les livreurs à vélo et Take Eat Easy en 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa position en adoptant la même solution concernant les chauffeurs Uber, estimant qu’ils sont bien salariés de la société Uber BV, gestionnaire de la plateforme bien connue du même nom.
Dans sa décision du 4 mars 2020 qui est destinée à la plus large publicité et peut déjà être qualifié d’« arrêt de principe », la Haute Juridiction considère d’abord que les chauffeurs Uber sont intégrés à un service organisé par l’entreprise dès lors qu’ils n’ont aucune clientèle propre et qu’ils ne fixent pas librement leurs tarifs ni les conditions d’exercice de leur prestation de transport.
La Cour énonce ensuite que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre ce service organisé.
Dans sa note explicative accompagnant l’arrêt, la Cour de cassation précise qu’elle s’est départie du critère de la dépendance économique pour privilégier celui de l’existence d’un lien de subordination.
La Haute Juridiction estime que le lien de subordination est caractérisé lors des connexions du chauffeur de VTC à la plateforme et ajoute à ce titre que les tarifs, qui dépendent de l’itinéraire particulier imposé au chauffeur et qui comportent une possibilité d’ajustement par Uber, traduisent bien que la société « donnait des directives » au salarié et « en contrôlait l’application ».
Concernant l’existence d’un pouvoir de contrôle par la plateforme sur l’exercice de la prestation de travail, la Cour relève que le contrat qui lie le travailleur et la plateforme prévoit une clause permettant à Uber de désactiver ou de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’application par ses chauffeurs de manière totalement discrétionnaire. Les juges en ont déduit que cette clause avait pour effet de conduire les « chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non ».
Elle considère enfin qu’il existe un réel pouvoir de sanction de la part d’Uber et invoque à ce titre l’existence de « corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un « itinéraire inefficace », ou encore « la fixation par la société Uber BV d’un taux d’annulation de commandes […] pouvant entraîner la perte d’accès au compte », ainsi que « la perte définitive d’accès à l’application Uber en cas de signalements de « comportements problématiques » par les utilisateurs ».
La Cour de cassation conclut donc au caractère fictif du statut de travailleur indépendant des chauffeurs Uber et semble ainsi vouloir mettre un terme au modèle économique retenu en France par les plateformes de mise en relation, à l’origine même du concept d’« ubérisation » de la relation de travail et de notre société en général.
Désormais, il y a fort à parier que de nombreux chauffeurs VTC se précipitent devant les conseils de prud’hommes pour demander la reconnaissance de leur statut de salarié, ainsi que tous les avantages associés.
Cass. soc. 4 mars 2020, n°19-13.316.
POUR TOUTE INFORMATION COMPLEMENTAIRE VOUS POUVEZ CONTACTER :
Julie De Oliveira : deoliveira@pechenard.com