Dans un arrêt récent du 29 janvier 2020 (n°18-15.359), la chambre sociale de la Cour de cassation a tranché définitivement la question de la prescription en matière de requalification d’un contrat à durée déterminée (CDD) en contrat à durée indéterminée (CDI).
Dans cette affaire, un salarié avait été engagé suivant plusieurs CDD d’usage, du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013.
Il avait saisi la juridiction prud’homale le 7 juillet 2014 aux fins de voir requalifier ses CDD en CDI et sollicitait le paiement de rappels de salaire ainsi que de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat.
Les juges du fond ont estimé que la prescription avait été interrompue au jour de la saisine le 7 juillet 2014 et que les demandes relatives à des CDD conclus avant le 7 juillet 2012 étaient irrecevables car prescrites.
La cour d’appel s’est fondée sur la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 qui prévoit un délai de 2 ans pour toutes demandes indemnitaires relatives à l’exécution ou la rupture des contrats de travail.
Par ailleurs, les juges du fond ont estimé concernant les demandes de rappel de salaire que le terme du dernier CDD du salarié étant du 4 octobre 2013, elle ne pouvait y faire droit qu’en remontant au plus au 4 octobre 2010, faisant une stricte application de la prescription triennale telle que prévue à l’article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi du 14 juin 2013.
Le salarié a formé un pourvoi.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger que si l’action en requalification est fondée sur le non-respect du formalisme régissant le CDD, le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la conclusion du contrat irrégulier (Cf. Cass. soc. 3 mai 2018, n°16-26.437).
Ici, la Haute Juridiction a cassé l’arrêt d’appel retenant que l’action en requalification de CDD en CDI se prescrit par deux ans conformément à l’article L. 1471-1 du code du travail car elle porte sur l’exécution du contrat de travail et que si cette action est fondée sur le motif de recours, le point de départ est le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat.
En l’espèce, l’action était fondée sur le motif de recours au CDD (le salarié estimant avoir pourvu un emploi participant à l’activité normale de l’entreprise), de sorte que la requalification en CDI pouvait produire ses effets à la date du premier engagement irrégulier.
La Cour de cassation a aussi rappelé qu’en cas de succession de CDD, le salarié pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles depuis le premier CDD irrégulier.
Par ailleurs, la Haute juridiction a censuré le raisonnement des juges du fond en appliquant les mesures transitoires prévues par la loi du 14 juin 2013.
Ainsi, la Cour a considéré que la prescription triennale était applicable aux créances non prescrites à la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de prescription ne puisse excéder 5 ans en application de la loi antérieure.
Elle a donc jugé que les demandes du salarié portant sur des créances nées postérieurement au 7 juillet 2009 jusqu’au 7 juillet 2014 n’étaient pas prescrites.
Cet arrêt vient ainsi nous éclairer sur la position de la Cour de cassation quant aux différents délais de prescription applicables à l’action en requalification de CDD en CDI ainsi qu’à leur point de départ.
A la fois, la Cour met fin à une longue période d’incertitude juridique et complète sa jurisprudence sur ce sujet, ce qui évidemment bienvenu.
Cass. soc. 29 janvier 2020 n°18-15.359 FS-P+B+I
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