Avant le 1er janvier 2017, c’était seulement en cas d’inaptitude résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle que l’avis des délégués du personnel devait précéder la proposition de reclassement au salarié.
Depuis cette date (en application de la Loi Travail du 8 août 2016), l’obligation de consulter les délégués du personnel (ou désormais le comité social et économique (CSE)) avant de proposer un poste de reclassement s’applique que l’inaptitude du salarié soit d’origine professionnelle ou non (Art. L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail).
Le législateur a ainsi généralisé cette formalité substantielle à tous les cas d’inaptitude, sans pour autant prévoir de sanction en l’absence de consultation, en cas de licenciement d’un salarié atteint d’une inaptitude non professionnelle.
Dans un arrêt particulièrement attendu du 30 septembre 2020, la Cour de cassation juge pour la première fois que la violation par l’employeur de son obligation de consulter le CSE, en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 30 sept. 2020 ; n°19-11.974).
Dans cette affaire, la cour d’appel de Bourges avait validé le licenciement et rejeté les demandes du salarié déclaré inapte (origine non professionnelle), malgré l’absence de consultation des élus, « l’article L. 1226-15 du code du travail […] ne sanctionn[ant] le défaut d’avis des délégués du personnel que lorsqu’il intervient dans le cadre d’une inaptitude professionnelle ».
La Cour de cassation a censuré cette analyse.
Dans deux autres décisions du même jour, la chambre sociale rappelle que cet avis du CSE, qui peut être recueilli sans « aucune forme particulière » – en l’occurrence dans le cadre d’une conférence téléphonique (Cass. Soc., 30 sept 2020 ; n°19-13.122) – s’impose même en l’absence de proposition de reclassement et donc dans l’hypothèse où les recherches se sont révélées infructueuses (Cass. Soc., 30 sept. 2020 ; n°19-16.488).
Ce dernier arrêt, rendu au visa de l’article L. 1226-10 du Code du travail (applicable en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle), est transposable aux inaptitudes d’origine non professionnelle, la procédure de reclassement étant identique.
Il ne faut donc pas interpréter « à la lettre » les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail, lesquelles prévoient l’obligation de recueillir l’avis des élus avant la proposition de reclassement sans exiger expressément cette consultation préalable en l’absence de proposition.
Ce fut le raisonnement adopté par la cour d’appel de Nîmes, considérant qu’en l’absence de proposition de reclassement, l’employeur n’était pas tenu de recueillir l’avis des élus. La Cour de cassation a cassé l’arrêt.
La Haute Juridiction ne s’est pas encore prononcée sur ce sujet en cas de dispense de recherche de reclassement, de sorte que par précaution, il convient de retenir que l’employeur doit consulter le CSE, même lorsque le médecin du travail mentionne sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
En réalité, seule l’absence de CSE dans l’entreprise dispense l’employeur de cette obligation de consultation préalable, à condition de ne pas être tenu de mettre en place cette institution représentative du personnel (Art. L. 2311-1 et suivants du Code du travail) ou de produire un procès-verbal de carence (Cass. Soc., 7 déc. 1999 ; n°97-43.106).
A défaut, le licenciement sera nécessairement dénué de cause réelle et sérieuse et le salarié pourra prétendre à une indemnisation à ce titre (dont le montant minimum diffère selon que l’inaptitude est d’origine professionnelle (au moins 6 mois de salaire) ou non (application du barème)).
Cass. soc. 30 septembre 2020, n°19-11.974 FS-PBI
Cass. soc. 30 septembre 2020, n°19-16.488 FS-PB
Cass. soc. 30 septembre 2020, n°19-13.122 FS-PB
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