Retour vers le futur : la loi ASAP réintroduit la prohibition de la déduction d’office des pénalités logistiques

Par Gauthier Moreuil et Suzanne Millet

Tenant compte des tensions récurrentes entre fournisseurs et clients au sujet de l’application des pénalités logistiques, le législateur a réintroduit à l’article L.442-1-I-3° du code de commerce la prohibition de la déduction d’office des pénalités logistiques et innove en interdisant l’imposition de pénalités disproportionnées.

 

En avril 2019[1], la liste des pratiques restrictives de concurrence avait été considérablement réduite, puisque seules trois d’entre elles qui concentraient l’essentiel du contentieux avaient été conservées (avantage disproportionné, déséquilibre significatif et rupture brutale de relations commerciales établies).

 

Disparue la déduction d’office des pénalités logistiques, tout comme la soumission du partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure, même s’il demeurait possible de critiquer de telles clauses sur le fondement du déséquilibre significatif.

 

La loi ASAP du 7 décembre 2020, entrée en vigueur le 9 décembre, a créé un nouvel article L.442-1-I-3° du code de commerce selon lequel :

 

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

(…)

3° D’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant. »

 

Rappelons que la charge de la preuve pèse sur l’acheteur, qui doit ainsi pouvoir démontrer qu’il a effectivement mis le fournisseur en mesure de vérifier que les pénalités sont dues, avant de pouvoir les déduire.

 

Dans le cas contraire, le fournisseur est en droit de demander la cessation de la pratique et la réparation du préjudice subi, outre la restitution des avantages indus. Il peut également demander à ce que soit constatée la nullité des clauses illicites et l’acheteur encourt une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des montants suivants : 5.000.000 €, 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France ou le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus.

 

Les acheteurs ont donc tout intérêt à mettre en place des procédures d’émission, de vérification et le cas échéant de contestation des pénalités logistiques simples et contradictoires, afin de limiter les contentieux.

 

A noter deux autres points de la loi ASAP, qui doivent être pris en compte dans le cadre des négociations commerciales pour 2021 :   

 

  • La prolongation de l’application des mécanismes de rehaussement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions jusqu’au 15 avril 2023.

 

  • L’obligation de viser désormais dans la convention unique (article L.441-3-III-4° du code de commerce) :

« L’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié. »

Par cet ajout, le législateur entend mettre fin, dans une certaine mesure, à la pratique consistant pour les enseignes à loger une partie de leur marge arrière dans des entités se trouvant à l’étranger et, à tout le moins, de faciliter le contrôle par les services de la concurrence de l’équilibre des relations industrie/commerce au travers d’un seul instrument : la convention unique.

 

 

 

 

[1] Ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relative à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées

 

 

 

 

 

Pour toute information, contactez Gauthier Moreuil (moreuil@pechenard.com)