Depuis 2020 et la crise sanitaire liée à la Covid-19, le télétravail s’est peu à peu répandu jusqu’à être institutionnalisé dans de nombreuses entreprises.
Si globalement les salariés apprécient cette nouvelle organisation du travail, les employeurs restent parfois réticents et veulent s’assurer que les « télétravailleurs » exécutent bien leurs missions.
De nombreux logiciels de surveillance ont ainsi été déployés pour permettre à l’employeur de contrôler le travail du salarié à distance.
Par exemple, ces logiciels collectent l’historique de navigation ou encore font des captures d’écran régulièrement tout au long de la journée de travail.
Ces données sont ensuite automatiquement et régulièrement transmises à l’employeur.
Mais ces méthodes sont-elles légales ?
Jusqu’où l’employeur peut-il surveiller les salariés en télétravail ?
Si l’employeur dispose d’un pouvoir de contrôle sur le travail des salariés, il convient de veiller à ce que cela ne porte pas atteinte aux droits et libertés fondamentaux des salariés.
La Commission Nationale de l’Informatique des Libertés (la CNIL), autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect des droits et libertés individuel(le)s dans les domaines de l’informatique, a émis des recommandations, dont un guide des bonnes pratiques du télétravail et a ainsi posé des limites à la surveillance des salariés en télétravail, notamment au regard du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).
La CNIL a rappelé que l’employeur disposait du même pouvoir d’encadrement et de contrôle de l’exécution de la prestation de travail confiée au salarié, sur place ou en télétravail, tout en précisant que l’employeur doit toujours justifier les dispositifs mis en œuvre, lesquels doivent être strictement proportionnés à l’objectif poursuivi et ne pas porter une atteinte excessive au respect des droits et libertés des salariés.
Finalement, les limites de la surveillance sont les mêmes pour tous les salariés qu’ils exécutent leurs missions sur les lieux de l’entreprise ou à distance.
La CNIL interdit ainsi la surveillance constante des salariés en télétravail.
Le système de contrôle mis en place dans l’entreprise doit respecter les règles suivantes :
- Avoir un objectif clairement défini et ne pas être utilisé à d’autres fins,
- Etre proportionné et adapté à l’objectif fixé,
- Avoir fait l’objet d’une information préalable des salariés concernés.
A titre d’exemples, la CNIL interdit la surveillance permanente, par un dispositif vidéo ou audio, par le biais d’un partage permanent de l’écran ou de l’enregistrement de l’ensemble des frappes du clavier effectuées (logiciels appelés « keyloggers »), ou encore via des logiciels qui imposent au salarié de cliquer sur un objet à intervalle régulier pour prouver sa présence derrière l’écran.
En revanche, la mise en place d’objectifs sur une période donnée et le contrôle de l’atteinte de ces objectifs, pour autant qu’ils soient raisonnables et atteignables, est possible, tout comme la réalisation d’un compte rendu régulier par le salarié sur les tâches réalisées.
Le déploiement du télétravail s’accompagne également du développement de la visioconférence.
L’employeur peut-il obliger le salarié à allumer sa caméra ?
Là encore, la CNIL apporte une réponse et distingue deux situations, selon que le système de visioconférence dispose d’un paramètre de floutage de l’arrière-plan ou non.
La CNIL adapte ainsi les règles applicables à un salarié présent sur les lieux de l’entreprise au télétravailleur et estime que le second ne doit pas révéler plus d’informations personnelles que le premier (comme des images de son domicile par exemple).
En l’absence de système de floutage, l’employeur ne peut donc pas imposer aux salariés en télétravail l’activation de leur caméra.
La CNIL prévoit cependant une exception et rappelle que, dans certains cas, l’employeur peut imposer au salarié d’allumer sa caméra, comme lors d’un entretien avec les ressources humaines ou d’un rendez-vous avec des clients de l’entreprise.
Dans ces hypothèses particulières, la CNIL recommande à l’employeur d’en informer au préalable la salarié concerné, afin qu’il puisse trouver un lieu adapté pour tenir la visioconférence.
La violation du RGPD ou l’atteinte à un droit ou une liberté fondamental(e) du salarié, comme le droit au respect de sa vie privée, peut coûter cher à l’entreprise.
En cas de plainte, la CNIL peut réaliser des contrôles et dispose d’un pouvoir de sanction.
Ainsi, le 8 novembre 2023, une société a ainsi été condamnée à payer une amende de 20 000 € pour la mise en œuvre de logiciels de surveillance des employés.
Le site internet de la CNIL (cnil.fr) met à la disposition des employeurs un référentiel des bonnes pratiques à adopter en cas de mise en place du télétravail pour éviter une éventuelle sanction.
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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur le télétravail et le suivi de l’activité des salariés ; il se tient à votre disposition pour échanger sur ces problématiques tant au titre de son activité de conseil que dans le cadre de contentieux en cours ou à venir.
Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).