Mise à pied : l’accord du salarié protégé n’est pas requis

Par Julie De Oliveira et Faustine Koppel

Cass. soc. 11 décembre 2014, n°23-13.332

 

Selon une jurisprudence constante, toute modification du contrat ou tout changement relatif aux conditions de travail d’un salarié protégé requiert son accord (notamment en ce sens : Cass. soc. 30 juin 1993, n°89-45.479).

 

Ainsi, à titre d’illustrations, l’employeur ne peut pas imposer à un salarié protégé son placement en activité partielle ou encore une mutation géographique (Cass. soc, 29 janvier 1992, n°88-44.603 ; Cass. soc 2 mai 2001, n°98-44.624).

 

Dans l’arrêt commenté du 11 décembre 2024, le salarié protégé sollicitait l’annulation de sa mise à pied disciplinaire de 5 jours. Il estimait que la jurisprudence lui offrait, en sa qualité de salarié protégé, le droit d’accepter ou de refuser une telle sanction dans la mesure où elle modifiait, selon lui, ses conditions de travail.

 

Il reprochait à son employeur de l’avoir sanctionné d’une mise à pied disciplinaire en omettant de l’informer de sa possibilité de refuser cette sanction.

 

Se posait donc la question de savoir si la mise à pied disciplinaire, en ce qu’elle prive le salarié de travail et de rémunération pendant une période déterminée, constituait ou non une modification du contrat de travail du salarié protégé nécessitant son accord préalable.

 

Dans un arrêt du 2 décembre 2022, la Cour d’appel d’Aix en Provence faisait le choix de suivre l’argumentation du salarié protégé et d’annuler la mise à pied disciplinaire considérant qu’il s’agissait d’une modification de sa rémunération et de sa durée de travail. La Cour estimait que l’employeur aurait dû informer l’intéressé de son droit d’accepter ou de refuser cette sanction (arrêt Cour d’appel d’Aix en Provence 2 décembre 2022, n°19/04013).

 

L’employeur avait alors formé un pourvoi en cassation.

 

Il estimait que la sanction de mise à pied n’emportait aucune modification du contrat de travail, ni aucun changement des conditions de travail, cette sanction n’ayant pour effet que de suspendre provisoirement les effets du contrat de travail du salarié protégé.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation a suivi le même raisonnement au visa de l’article L.2411-1, 2° du Code du travail – soit l’article dressant la liste des salariés protégés – en jugeant dans l’arrêt publié commenté, que :

 

« La mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n’a pas pour effet de suspendre l’exécution du mandat de représentant du personnel et n’emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n’est pas subordonnée à l’accord du salarié. »

 

Dans ces conditions, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Cass. soc. 11 décembre 2024, n°23-13.332). Cette affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Nîmes.

 

Cette position s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du 11 septembre 2024. A cette occasion, la chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé que l’employeur pouvait imposer un déplacement professionnel provisoire à un salarié protégé sans recueillir son accord dès lors que ce déplacement exceptionnel n’affectait pas l’exercice de son mandat et qu’il ne s’agissait pas d’un changement de ses conditions de travail (Cass. soc. 11 septembre 2024, n°23-14.627).

 

Cet arrêt rappelait aussi que la mise à pied disciplinaire ne peut avoir pour effet de suspendre l’exécution du mandat du salarié protégé (en ce sens, voir aussi Cass. soc. 2 mars 2004, n°02-16.554).

 

En pratique, le salarié protégé sanctionné doit pouvoir continuer d’exercer son mandat pendant la durée de sa mise à pied disciplinaire. L’employeur doit donc laisser le salarié circuler dans l’entreprise durant cette période à ce titre.

 

Ce positionnement clair de la Cour de cassation est bienvenu dans la mesure où il refuse de créer une immunité au profit des salariés protégés. En effet, si la Cour avait adopté la solution inverse, on peut facilement imaginer que les salariés protégés auraient systématiquement refusé qu’on leur applique une telle sanction, contraignant de facto les employeurs à y renoncer…

 

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