Activité partielle et Coronavirus

Par Julie De Oliveira

L’épidémie de Covid-19, a contraint la grande majorité des entreprises à recourir au dispositif d’activité partielle, plus communément connu sous le terme de « chômage technique » ou « chômage partiel ».

 

Compte tenu du caractère exceptionnel de la situation, le Gouvernement adapte de jour en jour la réglementation fixée par le Code du travail aussi bien en terme de procédure qu’en terme d’indemnisation.

 

Les informations ci-dessous reprennent les dispositions applicables et les mesures exceptionnelles adoptées par le Ministère du travail qui sont susceptibles d’évoluer.

 

Cas de recours à l’activité partielle

 

Par principe, l’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative, lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants (article R.5122-1 du Code du travail) :

 

–    des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie (difficultés dues à des grèves chez un fournisseur d’énergie ou une entreprise ferroviaire, par exemple) ;
–    un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
–    la transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise (ce qui n’est pas le cas des travaux d’entretien ou d’embellissement, ni de la mise en conformité des locaux et du matériel) ;
–    toute autre circonstance de caractère exceptionnel.
–    la conjoncture économique (récession, baisse des commandes, augmentation des stocks…) ;

 

Dès le 28 février dernier, le Gouvernement avait apporté des précisions quant au déclenchement du dispositif adapté à l’épidémie du coronavirus. Ainsi, quatre situations sont susceptibles d’ouvrir droit à l’activité partielle pour les salariés :

 

–    si les salariés indispensables à la continuité de l’entreprise sont contaminés par le coronavirus ou placés en quarantaine rendant ainsi impossible la poursuite de l’activité ;
–    si les pouvoirs publics décident de limiter les déplacements pour ne pas aggraver l’épidémie ;
–    si les transports en commun sont suspendus par décision administrative empêchant les salariés de se rendre sur leur lieu de travail ;
–    si l’épidémie entraîne une baisse d’activité entraînant des difficultés d’approvisionnement, la dégradation de services sensibles, l’annulation de commandes, etc.

 

La baisse temporaire d’activité peut prendre deux formes différentes :

 

–    une réduction du temps de travail en dessous de la durée légale hebdomadaire ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective conventionnelle du travail de l’établissement ;
–    une fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement, pendant laquelle les salariés sont en inactivité totale, quel que soit le nombre de jours de fermeture, dans la limite cependant du contingent annuel d’heures indemnisables.

 

En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement afin de pouvoir autoriser la mise en place d’un système de « roulement » par unité de production, atelier, services…

 

Salariés concernés par la mesure

 

Tout salarié possédant un contrat de travail de droit français à temps plein ou à temps partiel, même s’il vient d’être embauché ou si son embauche est imminente, est susceptible de bénéficier de l’activité partielle.

 

Les salariés en forfaits jours ou en forfait heures ne sont concernés par le dispositif de l’activité partielle qu’en cas de fermeture totale de l’établissement ou d’une partie de l’établissement dont il relève. Si l’employeur décide uniquement d’une réduction des heures de travail, ces salariés seront exclus du dispositif.

 

Ne peuvent pas non plus prétendre à l’activité partielle, les salariés affectés par un conflit collectif dans l’entreprise.

 

Procédure de mise en œuvre de l’activité partielle

 

•    Démarche auprès du CSE

 

L’employeur qui envisage de recourir à l’activité partielle doit informer et consulter le CSE, s’il existe.

 

Suivant le décret à venir, il pourrait désormais déposer une demande d’autorisation d’activité partielle sans attendre la consultation du CSE en précisant cependant la date à laquelle le CSE sera consulté. Il est rappelé que cette consultation est fondée sur l’article L. 2312-8 du code du travail au titre de la consultation sur les questions intéressant la marche générale de l’entreprise et compte tenu de l’impact de cette mesure sur la durée du travail.

 

L’avis du CSE doit accompagner la demande d’autorisation d’activité partielle. Si l’employeur n’a pas encore consulté le CSE, il devra adresser l’avis rendu par le CSE dans un délai de 2 mois à compter de sa demande de recours à l’activité partielle (c.f projet de Décret en cours de publication).

 

Les informations à transmettre au CSE sont les suivantes :

 

–    les motifs de recours l’activité partielle ;
–    les catégories professionnelles et les activités concernées ;
–    le niveau et les critères de mise en œuvre des réductions d’horaire.

 

La tenue d’un CSE par visioconférence devra dans la mesure du possible être organisée.

 

Les circonstances particulièrement exceptionnelles de l’épidémie de coronavirus empêchant la réunion d’un CSE ne devraient selon nous pas entraver la demande d’activité partielle auprès de la Direccte. Dans cette hypothèse, il nous semble cependant prudent de démontrer qu’une réunion en visioconférence a été tentée.

 

En l’absence de CSE, l’employeur doit informer par écrit et individuellement, chaque salarié de sa décision de recourir à l’activité partielle ; il doit préciser la durée prévisionnelle de l’activité partielle ainsi que le nombre de salariés concernés.

 

•    Démarches auprès de la Direccte

 

Après avoir recueilli l’avis des membres du CSE et théoriquement avant la mise en œuvre de l’activité partielle, il convient d’adresser à la Direccte du département où est implanté l’établissement concerné une demande préalable d’autorisation d’activité partielle.

 

Les demandes d’activité partielle doivent obligatoirement être effectuées en ligne : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/

 

Cette demande doit préciser :

 

–    Les motifs justifiant le recours à l’activité partielle.
–    la période prévisible de sous-activité ;
–    le nombre de salariés concernés ;
–    l’évaluation du nombre total d’heures demandées pour la période prévisionnelle d’activité partielle.

 

Elle doit être accompagnée de l’avis préalable du CSE.

 

Le portail de dépôt des demandes d’activité partielle faisant face à un afflux massif de demandes, le gouvernement a décidé de donner 30 jours aux entreprises pour déclarer leur activité partielle avec un effet rétroactif.

 

Suivant le projet de décret, la Direccte doit se prononcer dans un délai de deux jours (au lieu de 15 jours). L’absence de réponse de la part de l’administration vaut accord implicite de la demande d’activité partielle. Attention, ce délai raccourci ne vaut que pour les demandes d’activité partielle fondée sur des circonstances exceptionnelles (R.5122-1 5°).

 

•    Démarches auprès des salariés

 

La décision de recourir au dispositif d’activité partielle s’impose aux salariés. Ils ne peuvent donc la refuser. Un salarié qui refuse la mesure s’expose à un licenciement pour faute grave.

 

Ce d’autant que l’activité partielle ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un changement des conditions de travail.

 

Si l’activité partielle prend la forme d’une réduction des horaires de travail, le nouvel horaire doit être affiché dans l’entreprise. Une copie doit être adressée pour information à l’Inspecteur du Travail. En cas d’horaires individualisés, les salariés doivent être informés individuellement des mesures les concernant.

 

Les salariés doivent également être informés individuellement de la cessation totale du travail pendant la période de chômage technique.

 

A l’occasion du paiement de l’allocation d’activité partielle, l’employeur doit remettre au salarié un document indiquant le nombre des heures indemnisées, les taux appliqués et les sommes versées ou faire figurer ces informations sur le bulletin de paie.

 

•    Durée de l’activité partielle

 

Initialement d’une durée de 6 mois, l’autorisation d’activité partielle peut désormais être accordée pour une durée maximum de 12 mois (suivant le projet de décret). Si la sous-activité dure plus de 12 mois, il est possible de renouveler l’activité partielle.

 

Le dispositif d’activité partielle s’applique par ailleurs dans la limite de 1 000 heures par an qui s’apprécie à compter du premier jour de la demande d’autorisation. Cette limite de 1 000 heures ne peut être dépassée que dans les cas exceptionnels résultant de la situation particulière de l’entreprise sur décision conjointe des ministres chargés de l’emploi et du budget (Art. R. 5122-6 du Code du travail).

 

Des dispositions spécifiques sont également prévues pour les entreprises qui sollicitent l’activité partielle pour le motif « modernisation des installations et des bâtiments de l’entreprise » (Art. R. 5122-7 du Code du travail).

 

L’indemnisation de l’activité partielle

 

L’indemnisation de l’activité partielle est fondée sur un double mécanisme :

 

–    d’une part, « l’indemnité d’activité partielle » versée par l’employeur au salarié.
–    D’autre part, l’aide de l’Etat et de l’Unédic, nommée « allocation d’activité partielle » versée à l’employeur ;

 

L’article R. 5122-18 du code du travail salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur à l’échéance habituelle de la paie, correspondant à 70 % de sa rémunération brute horaire ou à 100 % de la rémunération net horaire s’il est en formation pendant les heures chômées.

 

L’indemnité d’activité partielle égale à 70% du salaire brut correspond environ à 84% du salaire net. Le 16 mars au soir, le Ministère du travail a indiqué sur son site qu’un décret sera pris dans les tous prochains jours pour réformer le dispositif d’activité partielle, afin de couvrir 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 SMIC (c’est confirmé dans le projet de décret).

 

La rémunération brute à prendre en compte est celle servant d’assiette au calcul de l’indemnité de congés payés.

 

Attention, le montant de l’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur au salarié ne peut pas être inférieure au SMIC net (Art. L. 3232-5 du code du travail).

 

L’employeur doit donc s’assurer que le cumul du salaire net perçu au titre des heures travaillées si l’on est dans le cadre d’une réduction des horaires et non de la cessation totale du travail, et des indemnités nettes versées au titre de l’activité partielle est au moins égal au SMIC net mensuel (soit 1 185,35 € au 1er janvier 2020).

 

Si la rémunération mensuelle minimale n’est pas atteinte, l’employeur doit verser au salarié une allocation complémentaire égale à la différence entre le SMIC net et la somme initialement perçue par le salarié.

 

S’agissant de l’allocation d’activité partielle versée par l’Etat à l’employeur, le taux horaire à prendre en compte est par principe fixé par décret et varie selon l’effectif de l’entreprise :

 

–    7,74 € dans les entreprises employant jusqu’à 250 salariés
–    7,23 € dans les entreprises à partir de 251 salariés

 

Au début de l’épidémie, un décret du Ministère du travail avait déjà augmenté de manière exceptionnel ce taux à hauteur de 8,04 €.

 

Depuis, les pouvoirs publics ont affirmé à plusieurs reprises un déplafonnement de l’allocation et un remboursement des employeurs à hauteur de 100 % des sommes versées aux salariés.

 

Les indemnités versées aux salariés ne sont pas considérées comme des salaires, mais comme un revenu de remplacement (Art. L. 5122-4 du Code du travail) et sont donc exonérées de charges sociales salariales et patronales, de forfait social, de taxe sur les salaires mais elles sont soumises à CSG-CRDS et l’impôt sur le revenu.

 

Le nombre d’heures pouvant justifier de l’attribution de l’allocation d’activité partielle correspond à la différence entre la durée légale du travail sur la période considérée ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat, et le nombre d’heures travaillées sur ladite période (Art. R. 5122-19 du Code du travail).

 

Les heures supplémentaires ponctuelles et les heures supplémentaires, dites structurelles, réalisées par les entreprises demeurées à 39 heures hebdomadaires, ne sont pas en revanche indemnisées au titre de l’activité partielle.

 

La procédure de remboursement de l’indemnité d’activité partielle

 

Pour se faire rembourser les indemnités versées aux salariés en activité partielle, à la charge de l’Etat, l’employeur doit adresser une demande d’indemnisation en ligne chaque mois au titre de l’allocation d’activité partielle sur le site dédié (https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/) (Art. R. 5122-5 du Code du travail).

 

Cette demande comporte :

 

–    des informations relatives à l’identité de l’employeur ;
–    la liste nominative des salariés concernés ainsi que le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ;
–    les états nominatifs précisant notamment le nombre d’heures chômées par salarié.