En vertu de l’article L. 1226-1 du code du travail, dès lors que l’employeur est dans l’obligation de verser des indemnités complémentaires au salarié en arrêt maladie, il peut faire pratiquer une contre-visite par le médecin de son choix dans le but de vérifier la réalité de l’incapacité de travail.
Cet article dispose également, en son avant-dernier alinéa, qu’ « un décret en Conseil d’Etat doit déterminer les formes et conditions de la contre-visite médicale ».
L’article 63 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, modifiant le paragraphe II de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, prévoyait notamment de clarifier les modalités de la contre-visite médicale, mais aussi d’en renforcer l’efficacité en autorisant la suspension du versement des indemnités journalières sur la base du rapport du médecin mandaté par l’employeur.
Or, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel (Cons. Constit., décision n°2023-860 DC, 21 décembre 2023) au motif d’une contrariété avec l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution (droit à la protection de la santé et droit à ouverture aux prestations sociales) : la mesure de suspension ainsi prévue aurait « pour effet de priver du versement des indemnités journalières l’assuré social alors même que son incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail a été constaté par un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail pour une certaine durée ».
Dans ce contexte, la publication du décret n°2024-692 du 5 juillet 2024 encadrant les modalités et les conditions de la contre-visite médicale organisée par l’employeur, était donc vivement attendue.
Ce décret créé ainsi 3 nouveaux articles dans le code du travail qui posent les principes suivants :
* Article R.1226-10: Le salarié doit communiquer à l’employeur, dès le début de l’arrêt de travail ainsi qu’à l’occasion de tout changement, son lieu de repos s’il est différent de son domicile.
Il doit également indiquer à son employeur les horaires auxquels la contre-médicale peut s’effectuer, s’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre »
* Article R.1226-11: Le médecin mandaté par l’employeur pourra se prononcer sur le caractère justifié de l’arrêt de travail mais aussi sur le bien-fondé de sa durée.
La contre-visite médicale pourra s’effectuer à tout moment de l’arrêt de l’arrêt de travail et, au choix du médecin : (i) soit au domicile du salarié ou son lieu de repos communiqué à son employeur en s’y présentant sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées ou, s’il y a lieu, aux heures communiquées en cas de sortie libre (ii) soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation.
* Article R.1226-12: Le médecin mandaté par l’employeur l’informe, soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail, soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile. L’employeur doit ensuite transmettre sans délai cette information au salarié (le décret ne donne aucune précision sur l’appréciation du caractère raisonnable du délai de délivrance de cette information).
Pour rappel, en l’absence de parution du décret d’application régissant la contre-visite médicale jusqu’alors, la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur ses conditions et modalités de mise en œuvre.
La Haute Juridiction a ainsi eu l’occasion de juger que si l’absence du salarié de son domicile lors de la contre-visite médicale peut entraîner la perte du droit à indemnisation complémentaire, elle ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement (Cass. Soc., 10 novembre 1998, n°96-42.969), ni justifier le fait de lui infliger une sanction disciplinaire (Cass. Soc., 10 octobre 1995, n°91-45.242).
Les conclusions du médecin contrôleur ne peuvent avoir pour effet que de priver le salarié des indemnités complémentaires de maladie versées par l’employeur (Cass. Soc., 10 octobre 1995, précité).
Ces solutions jurisprudentielles devraient perdurer postérieurement à la publication du décret n°2024-692 du 5 juillet 2024 relatif à la contre-visite médicale d’un salarié pendant un arrêt maladie.
La Cour de cassation a également jugé qu’un salarié qui oppose au médecin contrôleur le fait que l’examen clinique à pratiquer est extrêmement douloureux et lui propose en lieu et place une consultation de son dossier médical et de ses comptes rendus opératoires, ne se soustrait pas au contrôle médical (Cass., Soc., 13 février 1996, n°92.40.713).
Par ailleurs, la Haute Juridiction considère si le salarié, qui entend bénéficier des prestations complémentaires de maladie à la charge de l’employeur, doit se soumettre à la contre-visite médicale à laquelle celui-ci a la faculté de faire procéder, c’est à l’employeur qui prend l’initiative d’un tel contrôle d’établir qu’il n’a pu faire procéder à la contre-visite en raison de la carence ou de l’opposition du salarié (Cass. Soc., 30 juin 1988, n°86-41.898).
Dès lors, l’obligation à la charge de l’employeur d’informer le salarié du résultat de la contre-visite médicale qui lui a été communiqué par le médecin mandaté, désormais prévue à l’article R. 1226-12 du code du travail, permettra sans nul doute à ce dernier de se ménager un moyen de preuve en cas de carence ou d’opposition du salarié et ainsi de mettre en œuvre le mécanisme de privation du complément de salaire pour la période postérieure à la visite et pour l’arrêt de travail en cours uniquement.
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Pour toute information sur la mise en œuvre d’une contre-visite médicale, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com) ou Charlotte Blanc Laussel (blanclaussel@pechenard.com).