Focus sur la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales

Par Julie De Oliveira et Clémentine Bensimon

Face à la mobilisation des Gilets Jaunes et au mécontentement d’une partie des Français, le 24 décembre 2018 a été adoptée une loi (n°2018-1213) portant mesures d’urgence économiques et sociales destinée à favoriser le pouvoir d’achat des travailleurs en apportant les « premières réponses, rapides, concrètes, visibles à ceux qui en ont le plus besoin ».

 

Quel est l’impact de cette loi pour les entreprises ?

 

* L’article 1 de la loi prévoit la possibilité de verser aux salariés une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée de charges sociales et d’impôts.

 

Mais l’octroi de cette prime est très encadré.

 

Seules certaines catégories d’employeurs peuvent la verser et bénéficier à ce titre d’un régime fiscal et social de faveur.

 

Cette prime peut être versée à l’ensemble des salariés ou à une partie d’entre eux (dont la rémunération est inférieure à un plafond fixé par accord ou par décision unilatérale de l’employeur).

 

Pour les salariés ayant perçu en 2018 une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du SMIC sur la base de la durée légale du travail, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat bénéficie d’une exonération fiscale et sociale, dans la limite de 1.000 € par bénéficiaire, à condition que :

 

– Elle soit accordée aux salariés en poste au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure ;

– Son montant puisse être modulé en fonction de critères tels que la rémunération, le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l’année 2018 ou la durée de travail prévue au contrat de travail ;

– Son versement soit réalisé entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 ;

– Elle ne puisse pas se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur dans l’entreprise.

 

Au-delà de 1.000 €, la prime est assujettie aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.

 

Les modalités et conditions d’attribution de la prime exceptionnelle (montant, plafond, bénéficiaires etc.) doivent faire l’objet d’un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les règles prévues pour la mise en place de l’intéressement.

 

Ces modalités peuvent également être arrêtées au plus tard le 31 janvier 2019 par décision unilatérale de l’employeur lequel devra en informer au plus tard le 31 mars, le comité social et économique (ou les autres institutions représentatives du personnel en place selon les textes antérieurs).

 

Plusieurs grands groupes ont d’ores et déjà annoncé verser une prime exceptionnelle (ex : Dassault Aviation, Orange, la SNCF, Total, les Galeries Lafayette, Engie etc.).

 

Les TPE et PME ont également entendu l’appel du Président de la République.

 

* L’article 2 de la loi instaure quant à lui une réduction des prélèvements sociaux à la charge des salariés (des cotisations d’assurance vieillesse mais pas des cotisations patronales) et une exonération d’impôt sur le revenu pour les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2019 (au lieu du 1er septembre 2019 initialement prévu), dans une limite annuelle fixée à 5.000 €.

 

Pour mémoire, la loi TEPA de 2007 avait introduit une défiscalisation et un allégement des cotisations salariales des heures supplémentaires ou complémentaires, dans le but d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés.

 

Mais la loi n°2012-958 du 16 août 2012 avait abrogé l’exonération fiscale et la réduction des cotisations sociales salariales pour les heures supplémentaires et limité la déduction forfaitaire des cotisations patronales.

 

* L’article 3 de la loi revient sur la hausse de la CSG au profit de certains retraités.

 

La loi créé un nouveau taux intermédiaire de 6,6 % qui bénéficiera aux retraités percevant des revenus annuels compris entre 14.548 € pour une personne seule (majorée de 3.884 € par demi-part supplémentaire) et 22.580 € (majorée de 6.028 € par demi-part supplémentaire).

 

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

 

* Enfin, l’article 4 de la loi fait état d’une revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité au 1er janvier 2019, sans entrer dans le détail de la mesure qui relèvera d’un décret.

 

Ce décret a été édicté le 21 décembre 2018 (n°2018-1197).

 

Pour atteindre la hausse annoncée de 100 € des rémunérations au niveau du SMIC, il est finalement prévu que la bonification individuelle de la prime d’activité sera augmentée de 90 €, complétant la revalorisation du SMIC au 1er janvier 2019 (10,03 €).

 

Ce dispositif concerne les personnes en activité dont les revenus professionnels nets sont supérieurs à 0,5 SMIC.

 

Mais les employeurs ne sont pas véritablement visés par cette mesure puisque la prime d’activité est une prestation versée par les Caisses d’allocations familiales et les Caisses de la mutualité sociale agricole.

 

Ces quatre mesures ne semblent pas avoir calmé tous les esprits, à tout le moins à court terme.

 

De nouvelles revendications en faveur du pouvoir d’achat émergent. De nouvelles réponses pourraient être données par le Gouvernement et le Parlement prochainement.

 

Tout ceci dans le contexte du grand débat national qui vient de débuter et de la poursuite du mouvement des Gilets Jaunes.