Dans une affaire très récente dans laquelle la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail d’un salarié prévoyait que le point de départ du délai de renonciation était la fin du préavis et le salarié avait de sa propre initiative, sans l’accord de son employeur, cessé d’exécuter son préavis, la chambre sociale de la Cour de cassation a maintenu le point de départ du délai de renonciation à la date normale d’expiration du préavis.
Ainsi, la Cour a considéré que le salarié ne pouvait pas raccourcir unilatéralement le délai de renonciation de la clause de non-concurrence par l’employeur (Cass. soc. 21 mars 2018, n° 16-21.021).
Cet arrêt est l’occasion de rappeler les règles de levée d’une clause de non-concurrence, ainsi que les risques encourus par l’employeur en cas de renonciation tardive ou en l’absence de levée de celle-ci.
La renonciation à la clause de non-concurrence a pour effet de libérer le salarié de l’interdiction de concurrence et l’employeur de son obligation de verser l’indemnité compensatrice.
Il est possible de lever la clause de non-concurrence dans la lettre de licenciement ou dans un courrier distinct.
La renonciation de l’employeur doit être expresse et non équivoque. C‘est ainsi que la mention « libre de tout engagement » figurant sur le certificat de travail a été jugée insuffisante (Cass. soc. 24 octobre 1995, n° 92-42.895).
L’employeur ne peut renoncer unilatéralement à une clause de non-concurrence que si cette possibilité est prévue dans le contrat de travail ou la convention collective et uniquement selon les modalités qui y sont généralement définies. Si ce n’est pas le cas, l’employeur doit obtenir l’accord du salarié.
Néanmoins, concernant le délai de renonciation, il convient de distinguer selon que le salarié est dispensé ou non de l’exécution de son préavis par son employeur.
- Lorsque le salarié est dispensé de son préavis, la levée de la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise (Cass. soc. 13 mars 2013, n° 11-21.150 ; Cass. soc. 21 janvier 2015, n° 13-24.471).La durée ou le point de départ du délai de renonciation fixé par le contrat de travail ou la convention collective deviennent alors inapplicables.
- Lorsque le salarié exécute son préavis et que les modalités de renonciation ne sont pas prévues dans le contrat de travail ou la convention collective, l’employeur doit renoncer à la clause de non-concurrence avant la fin du préavis. Lorsque le salarié exécute son préavis et que les modalités de renonciation sont définies dans le contrat de travail ou la convention collective, celles-ci s’imposent à l’employeur. Si aucune disposition ne le prévoit, le point de départ du délai de renonciation correspond à la date de notification de la lettre de démission ou à la date d’envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc. 18 janvier 2012, n° 10-16.442 ; Cass. soc. 7 mars 2012, n° 10-20.513).
Il est par ailleurs rappelé que dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le point de départ du délai de renonciation à la clause de non-concurrence correspond à la date de la rupture fixée par les parties dans la convention (Cass. soc. 29 janvier 2014, n° 12-22.116).
Le non-respect des délais expose l’employeur à verser au salarié la totalité de la contrepartie financière prévue dans la clause de non-concurrence pour toute sa durée (Cass. soc. 12 avril 2012, n°10-27.075).
L’employeur ne saurait limiter l’indemnité à la fraction correspondant au retard (CA Versailles 26 octobre 2000, n°98-22.876 ; Cass. soc. 17 octobre 1984).
L’indemnité compensatrice de non-concurrence a un caractère forfaitaire. Celle-ci est donc due sans que le salarié ait à justifier de son préjudice quels que soient les risques qu’il exerce une activité concurrentielle.
L’obligation de paiement de cette indemnité ne saurait être affectée par les circonstances de la rupture comme le fait pour le salarié d’avoir retrouvé un emploi dès lors qu’il a respecté l’interdiction de non-concurrence (Cass. soc. 10 mars 2004, n°01-47.350).
Si tenté est que la clause de non-concurrence soit illicite, je pense qu’il n’est pas pertinent d’évoquer cet argument pour échapper au paiement de l’indemnité de non-concurrence en vertu de l’adage selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
L’employeur ne peut se fonder sur le caractère illicite de la clause en raison de son étendue dans le temps et dans l’espace dans le but d’échapper aux conséquences pécuniaires de l’interdiction de non-concurrence imposée par lui au salarié. Il ne peut davantage soutenir que la clause n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et demeure tenu de payer la contrepartie pécuniaire.
Il est enfin rappelé que l’indemnité de non-concurrence a une nature salariale et est dès lors soumise à cotisations, à la CSG et à la CRDS et ouvre droit à congés payés (Cass., soc. 8 juin 1999, n°96-45.616 (Cass, soc. 10 octobre 2007, n°05-45.657). L’employeur doit donc établir les bulletins de paie correspondants.