La loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte est entrée en vigueur le 1er septembre 2022.
Cette loi renforce le dispositif de protection des lanceurs d’alerte prévu par la loi du 9 décembre 2016, dite Loi « Sapin II » et transpose ainsi la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union Européenne.
En synthèse, le champ des bénéficiaires du statut protecteur de lanceur d’alerte est élargi (1) et sa protection renforcée (2). La procédure de signalement est également assouplie (3) puisque le lanceur d’alerte peut désormais émettre directement des signalements externes.
- Les nouveaux contours du statut protecteur de lanceur d’alerte :
– La notion de lanceur d’alerte est redéfinie. Elle désigne désormais « une personne physique qui signale ou divulgue sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation, d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».
L’ancienne définition prévoyait que l’alerte devait être faite de manière « désintéressée ». En remplaçant cette notion par l’absence de « contrepartie financière », cette nouvelle définition a le mérite d’être plus précise.
– Autre nouveauté : le lanceur d’alerte qui n’a pas eu connaissance de manière directe d’informations obtenues dans le cadre de son activité professionnelle peut désormais les divulguer.
Un salarié peut donc bénéficier du statut protecteur de lanceur d’alerte en signalant des faits rapportés.
En dehors du contexte professionnel, l’exigence selon laquelle le lanceur d’alerte doit avoir eu personnellement connaissance des informations est maintenue.
La liste des informations exclues du statut protecteur est également élargie (données relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret de l’enquête ou de l’instruction, au secret professionnel de l’avocat, au secret de délibérations judiciaires).
– Par ailleurs, la protection accordée au lanceur d’alerte est étendue aux « facilitateurs », entendus comme toute personne physique ou morale de droit privé à but non lucratif, mais également aux personnes physiques risquant de faire l’objet de mesures de représailles dans le cadre de leurs activités professionnelles à partir du moment où elles ont aidé le lanceur d’alerte à signaler ou divulguer des informations relatives à des faits illicites (il s’agit ici des collègues et des proches). Les entités contrôlées par le lanceur d’alerte et celles pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel bénéficient aussi de cette protection.
La protection du lanceur d’alerte est donc étendue à son entourage et renforcée avec l’adoption de plusieurs mesures.
- Des mesures de protection renforcées :
– Le législateur a souhaité renforcer la protection des données personnelles du lanceur d’alerte. Son consentement est désormais requis pour divulguer les éléments de nature à l’identifier sauf dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits auprès du juge.
– La loi consacre également l’irresponsabilité civile des lanceurs d’alerte pour les dommages causés du fait de leur signalement ou divulgation publique (dans le respect de la loi), dès lors qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.
– La loi prévoit également que les lanceurs d’alerte bénéficient de l’article 122-9 du code pénal consacrant l’irresponsabilité pénale des personnes ayant réalisé un signalement.
Ni le lanceur d’alerte ni son complice ne pourront être sanctionnés pénalement pour avoir dans le cadre de l’alerte, soustrait, détourné et recelé des documents confidentiels contenant des informations dont ils ont eu connaissance de façon licite.
– Le texte dresse une liste non exhaustive de 15 mesures pouvant être qualifiées de représailles et double le montant de l’amende civile encourue par une personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive contre un lanceur d’alerte en raison des informations signalées ou divulguées (60.000 € contre 30.000 € jusqu’alors).
– Enfin, en cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, le conseil de prud’hommes pourra obliger l’employeur, en plus de toute autre sanction, à abonder le compte personnel de formation (CPF) du lanceur d’alerte jusqu’au plafond majoré applicable au salarié peu qualifié (soit jusqu’à 8.000 €).
Le législateur a également souhaité simplifier la procédure de signalement en supprimant la hiérarchie entre les alertes internes et externes.
- Une procédure de signalement simplifiée :
– Le lanceur d’alerte peut effectuer directement un signalement externe à l’attention de l’autorité compétente, du défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen. Le lanceur d’alerte peut donc avec cette loi nouvelle, effectuer un signalement externe sans avoir préalablement dénoncé les faits en interne, c’est à dire au sein de l’entreprise.
– La divulgation publique peut être mise en œuvre immédiatement en cas de :
- « Danger grave et imminent » ou pour les informations obtenues dans un cadre professionnel en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général » ;
- Risque de représailles ou si le signalement n’a aucune chance d’aboutir.
L’alerte ne pourra cependant pas être rendue immédiatement publique si elle porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale.
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On peut se réjouir de l’entrée en vigueur de cette loi du 21 mars 2022 car la protection insuffisante des lanceurs d’alerte était unanimement pointée du doigt depuis la création de ce statut en 2016.
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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions quant au statut protecteur de lanceur d’alerte. Il vous accompagne sur tous les sujets posés par cette problématique en conseil mais aussi dans le cadre de contentieux où cette notion est invoquée par un salarié (notamment en cas de contestation d’une sanction ou d’un licenciement).
Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).