En cas de litige entre un e-commerçant et un consommateur, la règle est désormais à la médiation. Si vouloir pacifier les conflits en amont de toute procédure est une volonté louable, la justification des diligences pour y parvenir peut s’avérer compliqué. Explications et détails…
En mars dernier, un décret (11 mars 2015) avait intégré dans l’article 56 du code de procédure civile, une obligation d’indiquer dans toute assignation en justice les éléments démontrant que les parties en présence ont bien tenté préalablement de résoudre amiablement leur litige.
Le gouvernement continue dans son entreprise de déjuridiciarisation des relations conflictuelles, par la publication de l’ordonnance du 20 août 2015.
Ce texte relatif au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation vient transposer en droit interne une directive communautaire 2013/11/UE du 21 mai 2013 démontrant que ce phénomène n’est pas propre à la France.
Il vient imposer la mise en place d’un service de médiation gratuit pour les consommateurs à l’ensemble des acteurs du e-commerce (et plus largement d’ailleurs à l’ensemble des professionnels à l’exception des services de santé, des services publics) cela inclut les domaines pour lesquels un système de médiation existe déjà (banque, assurance, énergie…)
Le professionnel peut proposer son service de médiation ad-hoc ou utiliser les services d’un médiateur tiers.
Chaque médiateur de la consommation devra être inscrit sur une liste. Il devra donner des garanties de compétence (juridique), d’absence de conflits d’intérêts, de transparence (établir un rapport annuel, tenir son propre site Internet permettant sa saisine directement en ligne) et d’indépendance (il ne peut être salarié du site de e-commerce, il est nommé au sein de l’entreprise par décision collégiale incluant des représentant d’associations de consommateurs, il dispose d’un budget à part pour assurer la mise en œuvre de sa mission).
Il est nommé pour 3 ans et une commission pourra juger de son admission ou, le cas échéant, de sa radiation.
La médiation de la consommation s’applique à tout litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel.
Toutefois compte tenu des limites et autres gardes fous imposés par le texte il n’est pas certain que les prochains mois voient se développer de façon exponentielle les litiges soumis à ce nouveau médiateur.
En effet, la médiation ne s’appliquera pas aux procédures introduites par le professionnel contre le consommateur (action en paiement notamment), aux litiges déjà soumis à un tribunal ou un autre médiateur mais également, et c’est plus surprenant, aux réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel, ainsi qu’aux négociations directes entre le consommateur et le professionnel.
Il en résulte qu’en réalité le consommateur et le professionnel auront toujours la possibilité de trouver une solution amiable sans passer par une médiation. D’ailleurs le texte prévoit qu’en aucun cas un professionnel ne pourra imposer dans ses CGV le passage obligatoire par une médiation.
Cela peut paraître quelque peu contradictoire avec l’idée du gouvernement et de la commission européenne de promouvoir les règlements extrajudiciaires des litiges.
Le consommateur reste donc libre de saisir directement le tribunal (sous réserve toutefois du respect de l’article 56 du code de procédure civile évoqué ci-dessus et de l’obligation de justifier d’une démarche visant à trouver une solution amiable avant tout procès).
Il est imposé un délai de 3 semaines pour que le médiateur indique si la demande de médiation est acceptée ou non. Il peut notamment la refuser s’il considère la demande du consommateur comme manifestement infondée et abusive ou s’il constate que le consommateur n’a pas préalablement mis en demeure le professionnel.
La médiation est confidentielle ce qui est un élément essentiel pour permettre le cas échéant un accord.
Tout professionnel doit communiquer sur son site les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève. Le professionnel est également tenu de fournir cette même information directement dans la réponse qu’il peut faire à une plainte d’un consommateur (en cas de manquement, le professionnel est passible d’une amende administrative de 15.000 euros).
Le professionnel doit également introduire un lien électronique vers la plateforme de règlement en ligne des litiges de la commission européenne qui sera opérationnelle en principe à compter du 9 janvier 2016.
La date d’application de ce nouveau texte ? Comme souvent il est renvoyé à un décret non encore publié et les professionnels disposeront d’un délai de deux mois à compter de la publication de ce décret pour se mettre en conformité.