Lors de son point hebdomadaire du 23 septembre 2020 sur la stratégie de lutte contre la Covid-19, le Ministre de la Santé Olivier Véran déclarait que : [Dans les zones en alerte renforcée ou maximale], « le télétravail doit être favorisé autant que possible, en particulier pour les publics vulnérables. C’est naturellement à chaque entreprise, à chaque administration, de voir comment il peut, selon l’activité de chacun, développer au maximum le télétravail. La période récente nous a démontré que le télétravail était à la fois possible, précieux en cas de forte circulation du virus. Il faut donc, dans les métropoles en alerte renforcée, encore plus dans les métropoles en alerte maximale, le développer très fortement.»
Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Cette définition du télétravail est inscrite à l’article L. 1222-9 (I) du code du travail issu de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012.
Cinq années plus tard, l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et la loi de ratification n°2018-217 du 29 mars 2018 ont actualisé les dispositions relatives au télétravail.
Sur la mise en place du télétravail
Le télétravail est mis en place par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE) lorsque celui-ci existe.
En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque l’employeur et le salarié conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.
Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, la condition relative au caractère régulier de l’exécution d’un travail en dehors des locaux de l’entreprise a été supprimée, pour autoriser le télétravail ponctuel.
L’avantage de mettre en place le télétravail par accord collectif est que celui-ci dispose d’une véritable valeur normative à l’inverse de la charte qui est soumise à un régime juridique variable en fonction de son rattachement ou non au contrat de travail du salarié.
Les employeurs et organisations syndicales ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’entre le 11 mai et le 25 août 2020, 3017 accords ont été publiés parmi lesquels 108 comportaient une référence au télétravail, témoignant d’un intérêt avéré pour ce type d’organisation du travail.
Par ailleurs, l’article L.1222-11 du code du travail dispose qu’ « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».
Ce dispositif a été utilisé par les entreprises dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Mais, dès lors que les critères de l’article susvisé ne sont plus réunis et que l’employeur considère que les conditions de reprise d’activité sont conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail, il peut mettre fin au télétravail ou refuser la demande d’un salarié en ce sens.
Ce refus devra toutefois être motivé dans le contexte actuel lié d’épidémie de Covid-19 car le télétravail doit être privilégié dès que l’emploi du salarié le permet.
Sur le contenu de l’accord collectif ou de la charte
L’accord collectif ou la charte doit préciser les conditions de passage en télétravail et de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ainsi que les modalités d’acceptation et de contrôle du temps de travail, de régulation de la charge du travail et les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.
Afin d’assurer le respect de la vie privée du salarié, l’article L.1222-10 du code du travail impose également à l’employeur « de fixer, en concertation avec [le salarié], les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter » lorsque celui-ci est en télétravail.
Cette disposition permet au salarié en télétravail de bénéficier de véritables moments de « déconnexion » et de repos garantissant ainsi un meilleur équilibre vie privée / vie professionnelle.
Sur les obligations de l’employeur à l’égard des télétravailleurs
L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a abrogé le 1er alinéa de l’article L. 1229-10 du code du travail aux termes duquel l’employeur avait une obligation légale de prendre en charge le coût du travail découlant du télétravail.
Toutefois, pour les entreprises concernées par les dispositions de l’Accord National Interprofessionnel du 12 juillet 2005 relatif au télétravail, c’est-à-dire celles dont le champ d’activité correspond à celui d’une des organisations patronales signataires (MEDEF, CGPME et UPA) et qui ne disposent pas d’un accord collectif y dérogeant, les salariés et les organisations syndicales pourraient considérer que cette obligation demeure en vertu du principe selon lequel le salarié ne doit supporter aucun coût lié à l’exercice de son travail.
En effet, il est toujours inscrit à l’article 7 de l’ANI que « l’employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail. Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien. L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications ».
Par ailleurs, la Cour de cassation considère que le salarié peut prétendre à une indemnité spécifique au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’aucun local professionnel n’est effectivement mis à sa disposition par l’employeur (Cass.soc.7 avril 2010 n°08 – 44.865).
Dès lors, cette question doit être abordée aux termes de l’accord collectif ou de la charte mettant en place le télétravail, notamment pour préciser les frais liés à cette organisation spécifique de travail et définir la ou les contreparties correspondantes accordées aux salariés.
Sous l’angle de la santé et de la sécurité du télétravailleur, il est à noter que l’ordonnance de 2017 prévoit expressément que l’accident survenu sur le lieu de travail où est exercé le télétravail pendant l’exercice de son activité professionnelle est présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale (article L. 1222-9 du code du travail).
Le recours au télétravail devient de plus en plus fréquent au sein des entreprises sous l’impulsion du contexte sanitaire lié à l’épidémie de Covid-19 ou plus généralement de l’évolution des pratiques professionnelles.
Les organisations patronales ont d’ailleurs récemment accepté d’ouvrir une négociation nationale interprofessionnelle sur ce sujet avec les syndicats. Les deux premières réunions sont programmées pour les 3 et 23 novembre prochain.
Le télétravail n’a donc pas fini de faire faire débat.
Accord national interprofessionnel du 12 juillet 2005 (étendu en 2006)
Loi n°2012-387 du 22 mars 2012
Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017
Loi de ratification n°2018-217 du 29 mars 2018
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Pour toute information complémentaire sur le télétravail, merci de contacter Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com)