Comme vous le savez, la procédure d’appel des jugements prud’homaux a été réformée par la loi du 6 août 2015 et son décret d’application n°2016-660 du 20 mai 2016. Les appels formés depuis le 1er août 2016 devant la chambre sociale de la cour d’appel doivent être formés, instruits et jugés suivant les règles de la procédure avec représentation obligatoire, c’est-à-dire par un avocat ou un défenseur syndical (article R. 1461-2 du Code du travail).
Interprétées à la lumière de l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 sur la territorialité de la postulation, les dispositions relatives à la procédure avec représentation obligatoire prévues aux articles 900 et suivants du Code de procédure civile, signifient que désormais, en matière prud’homale, un avocat ne peut assister ou représenter son client que devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle il a établi sa résidence professionnelle.
Il en résulte qu’en principe, un avocat qui n’exerce pas dans le ressort de la cour devant laquelle il porte son appel doit demander à un avocat du ressort de cette cour d’être son postulant, notamment pour procéder à la diffusion des actes de procédure auprès de la cour en application de l’article 930-1 du Code de procédure civile.
Conduisant à l’application des règles de postulation territoriale en appel en matière prud’homale, cette réforme a engendré des difficultés sur le plan logistique pour les avocats et des frais supplémentaires pour le justiciable.
Pourtant, le Ministère de la Justice a affirmé dès le 27 juillet 2016, que la procédure instituée par le décret du 20 mai 2016 était une procédure spécifique propre à la matière prud’homale en raison de l’exception au monopole d’assistance et de représentation des avocats d’une part, et de l’adaptation des règles pour permettre la représentation obligatoire par un défenseur syndical d’autre part.
Cette circulaire de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau du 27 juillet 2016 a ainsi considéré que « la représentation devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale serait ouverte à partir du 1er août [2016] à tout avocat, sans postulation » et a précisé que les règles de territorialité étaient inapplicables.
Cependant, la circulaire ayant une portée normative inférieure à celle du décret, certaines cours d’appel ont rendu des ordonnances d’irrecevabilité, faute pour les avocats qui représentaient les appelants d’être domiciliés dans le ressort de la cour d’appel concernée.
Dans un avis du 5 mai 2017 sollicité par un conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles, la Cour de cassation a mis fin aux incertitudes en retenant que « l’application des dispositions du code de procédure civile relatives à la représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale n’implique pas la mise en œuvre des règles de la postulation devant les cours d’appel, les parties pouvant être représentées par tout avocat, si elles ne font pas le choix d’un défenseur syndical ».
En d’autres termes, la procédure devant la cour d’appel en matière sociale se fait sans postulation.
Si cet avis est heureux en ce qu’il a clarifié les règles de représentation obligatoire en matière prud’homale devant la cour d’appel, il n’a pas réglé pas le problème technique de diffusion des actes de procédure, lequel a été solutionné en partie par les décrets n°2017-891 du 6 mai 2017 et n°2017-1008 du 10 mai 2017.
En effet, en application de l’alinéa 1er de l’article 930-1 du Code de procédure civile, les avocats doivent, « à peine d’irrecevabilité d’office », remettre à la cour d’appel les actes de la procédure par voie électronique.
En pratique, la transmission se fait par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) lequel ne fonctionne qu’au sein de cour d’appel dont dépend l’avocat, de sorte qu’il ne permet pas à un avocat extérieur de s’y connecter (à l’exception du RPVA de la cour d’appel de Versailles ouvert aux avocats du ressort de la cour d’appel de Paris). A cet égard, il convient de préciser que des discussions ont été engagées entre le Conseil national des barreaux et le Ministère de la justice afin d’ouvrir le RPVA au niveau national.
Dans cette attente, dans les cas où les actes de procédure (notamment la déclaration d’appel, la constitution d’intimé puis les conclusions) ne peuvent être transmis par RPVA, l’alinéa 2 de l’article 930-1 prévoit que l’avocat doit les établir sur support papier puis les déposer en personne au greffe ou, à compter du 1er septembre 2017, les « lui (…) adress[er] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».
S’agissant de la communication des actes de procédure à la partie adverse, l’article 930-3, créé par le décret du 10 mai 2017 et entré en vigueur le 12 mai 2017, précise que « les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie de signification ».
Si le texte reste muet sur les notifications entre avocats dépendant de cours d’appel différentes, on peut penser que les mêmes modes de transmission leur sont ouverts, dans l’attente du RPVA national.
Néanmoins et d’ici le 1er septembre 2017, il est plus simple sur un plan matériel et financier de continuer à solliciter un avocat postulant du ressort de la cour devant laquelle l’appel est interjeté.