Souvent victimes du formalisme de la loi Hoguet, les professionnels de l’immobilier ont de quoi se réjouir de la solution que vient d’adopter la Cour de cassation au visa des dispositions issues de la réforme du droit des obligations (Civ., 1ère, 20 sept 2017, n°16-12.906).
L’affaire débute lorsque l’agent immobilier acquiert une partie du portefeuille clients d’une autre agence, à laquelle un propriétaire avait confié la gestion locative de ses biens, selon mandat renouvelable par tacite reconduction jusqu’au 1er janvier 1999. Passée cette date, l’agent immobilier poursuit sa mission pour le compte des héritiers du propriétaire, décédé en l’an 2000, conformément aux dispositions d’un nouveau mandat qu’il leur expédie pour signature. Manquant de vigilance, il ne prend néanmoins pas le soin d’obtenir restitution d’un exemplaire dudit contrat dûment signé. Sept ans plus tard, les mandants mettent un terme à sa mission et l’assignent dans la foulée en restitution des honoraires perçus, se prévalant de l’irrégularité formelle du mandat non-signé.
Bien que la mauvaise foi des mandants soit flagrante en l’espèce, la Cour de cassation se place sur un tout autre terrain pour rejeter leur demande.
Jusqu’alors, la Cour de cassation frappait de nullité absolue tout mandat passé en violation de ces dispositions d’ordre public. En conséquence, la nullité pouvait être invoquée par toute personne justifiant d’un intérêt (Civ. 1ère, 25 févr. 2003, n°01-00.461). Surtout, cette nullité absolue excluait toute possibilité de confirmation du mandat, comme de ratification ultérieure des actes de gestion accomplis par le mandataire (Civ. 1ère, 2 déc. 2015, n°14-17.211 ; Civ. 1ère, 22 mars 2012, n°11-13.000).
Ce temps est révolu.
Depuis le mois de février 2017, la Cour de cassation abandonne la sanction de la nullité absolue pour lui préférer celle de la nullité relative (Cass. Mixte, 24 février 2017, n°15-20.411). Les Hauts Magistrats justifient ce revirement par la distinction désormais codifiée, depuis la réforme du droit des obligations, entre nullité relative et nullité absolue. Quand la première sanctionne la violation d’une règle ayant pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé, la seconde réprime la violation d’une règle visant à sauvegarder l’intérêt général (Art. 1179 nouveau du Code civil). Jugeant que les règles de forme de la loi Hoguet visent à protéger le seul intérêt privé du mandant, la Haute Cour décide que leur méconnaissance doit être sanctionnée par une nullité relative.
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation suit un raisonnement parfaitement identique.
Après avoir constaté l’absence de signature, donc le vice de forme du contrat, la Haute Cour confirme son revirement en jugeant que le mandat doit être frappé de nullité relative.
A nouveau, ce changement de position est justifié par « l’évolution du droit des obligations » et le fait que les prescriptions formelles du mandat visent la seule protection des intérêts privés du mandant.
La relativité de la nullité encourue en pareil cas est actée.
La confirmation ultérieure du mandat désormais possible
La Cour de cassation ne s’arrête pas là. Tirant toutes les conséquences de cette nouvelle sanction, elle se prononce également sur la possibilité de confirmation du mandat, donc du droit à honoraires du mandataire. Et c’est là tout l’apport de cet arrêt.
En droit, la nullité relative d’un acte peut être couverte par sa confirmation ultérieure. Celle-ci peut être expresse ou tacite, étant précisé que « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation » (Art. 1182 du Code civil).
En l’espèce, la Cour de cassation considère qu’en poursuivant leurs relations pendant plus de 7 ans avec l’agent immobilier sans émettre la moindre protestation sur ses actes de gestion, dont il rendait compte de façon régulière et détaillée, les mandants ont nécessairement « ratifié, en connaissance de cause, les actes et le coût de cette gestion locative ». Ce faisant, ils ont tacitement confirmé le mandat, dont la nullité ne saurait désormais être prononcée.
L’agent immobilier peut donc conserver sa rémunération.
La déduction est implacable. Et la solution juste. Si les circonstances de l’espèce démontrent que les mandants ont confirmé le contrat, rien ne justifie en effet de priver le mandataire de sa rémunération. On peut d’ailleurs légitimement penser que ce revirement ne se limite pas aux mandats de gestion et pourra bénéficier aux agents immobiliers agissant dans le cadre de mandats de vente. La date de conclusion du mandat semble enfin indifférente dans la mesure où, en l’espèce, le contrat avait été passé en l’an 2000, soit bien avant l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er octobre 2016.
Un bémol toutefois, dans la mesure où cette solution aurait pu prospérer avant la réforme puisque la différence entre nullité relative et nullité absolue, fondée sur la distinction des intérêts à préserver, était établie depuis longtemps en jurisprudence. La réforme du droit des obligations a donc, semble-t-il, servi de prétexte à la Cour de cassation pour justifier ce revirement.
La malléabilité de la règle de droit conduit à prendre des libertés indiscutables avec la définition de l’ordre public. En l’occurrence, l’objet de la loi Hoguet était de réglementer et d’assainir l’exercice de la profession d’agent immobilier. A priori, le sujet concerne l’intérêt général et aurait pu relever de l’ordre public de direction. De même, en principe et selon l’adage, la loi spéciale l’emporte sur la loi générale. Dès lors, la Cour de cassation aurait pu écarter l’application des nouvelles dispositions du Code civil pour décider, sur le fondement de la loi Hoguet, que la violation des prescriptions formelles du mandat de gestion immobilière reste soumise à une nullité absolue.
Dans la mesure où la solution opère un juste équilibre entre les différents intérêts en présence, on ne s’offusquera pas de cette motivation.