L’originalité d’une œuvre de l’esprit est la condition sine qua none de sa protection par un droit d’auteur, en application de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. Elle est appréhendée par les juges comme le résultat de l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
De façon assez contre-intuitive, cette notion est assez contestée dès que l’on aborde l’art photographique.
Ainsi, dans un jugement rendu le 14 juin 2024, le Tribunal judicaire de Paris devait se prononcer sur l’originalité de photographies prises afin d’être affichées sur un packaging de bouteilles d’eau minérale.
En l’espèce, une société affichait, sans autorisation, les photographies d’un photographe sur les packagings de ses deux marques d’eaux minérales.
Le photographe, après mise en demeure, assigne la société en contrefaçon de ses droits d’auteurs sur ces photographies justifiant qu’elles constituaient des créations originales, empreintes de sa personnalité.
La société défenderesse soutient a contrario, que le photographe, ayant été guidé par des directives techniques données par la société, n’était qu’un prestataire s’étant contenté d’exécuter ces directives. Partant, elle conteste l’originalité de ces photographies qui ne témoigneraient pas d’un effort créatif suffisant pour être qualifiées comme telles.
Dans une analyse in concreto, le Tribunal reconnait une originalité pour les photographies affichées sur les packagings de la première marque, aux motifs qu’elles contribuaient à donner une nouvelle identité à cette marque.
Toutefois, les juges rejettent l’originalité des photographies affichées par la seconde marque, aux motifs que le photographe n’avait fait que reprendre des éléments graphiques préexistants et devait, par conséquent, être considéré comme simple prestataire graphique.
Dans leur décision les juges justifient cette différence de traitement par le fait que, sur le premier packaging, le photographe tendait à mettre en avant la singularité, la distinction existante entre l’eau en question et les autres eaux concurrentes. Cela passait notamment par la mise en avant visuelle de ses diverses vertus (fraîcheur, …) ou de son origine géographique. Ainsi, selon les juges la combinaison de ces éléments graphiques, propres à cette eau, était de nature à caractériser l’originalité de ces photographies.
Sur la seconde photographie les juges relèvent l’absence d’effort créatif. En effet, selon eux le photographe n’avait fait que reprendre des éléments déjà présents dans l’identité graphique de la marque (fond bleu, paysage montagneux), mais sans y apporter d’éléments propres.
L’originalité reste donc une notion éminemment subjective et factuelle et l’on peut s’interroger sur la manière dont les juges pourront statuer sur des créations (notamment photographiques) composées en totalité ou en partie par des outils d’intelligence artificielle.
Pour toute information, contactez Fabien Honorat (honorat@pechenard.com)