La chambre commerciale de la Cour de cassation vient d’affirmer que le fait, pour le gérant d’une société, d’accepter un emploi au sein d’une société concurrente ne suffit pas à caractériser une déloyauté de sa part dans l’exercice de son mandat social (Cass. com., 8 février 2017, n°15-17904).
Cette solution, quoique surprenante de prime abord, s’explique sans doute par le contexte factuel de l’espèce.
Quatre associés avaient constitué une « SARL Dream Team Sport » en 2008, deux d’entre eux en étant les cogérants. Les quatre associés ont ensuite fondé une association dénommée « Sport and Live » en 2010 ayant pour objet la création d’un site Internet dédié au sport. Ils ont par la suite conçu un projet d’exploitation de terrains de foot en salle au travers d’une société dénommée Sport and live Indoor qui n’est pas allé jusqu’à son terme.
C’est alors que deux des associés décidaient de créer la société « Sport and Five », devenue la société « S-Arena », tandis qu’un troisième associé et son frère constituaient une société « Dack Sport ». Une fois cette dernière société constituée, ils embauchaient le quatrième associé (toujours cogérant de Dream Team Sport) au sein de la société Dack Sport.
La société Dream Team Sport, estimant être victimes des fautes de gestion de son cogérant et d’actes de concurrence déloyale de la société Dack Sport, les a assignés en réparation.
Ils obtenaient gain de cause en première instance mais pas en appel, la Cour estimant que le cogérant ne s’était rendu coupable d’aucune déloyauté dans l’exercice de son mandat social, malgré le fait qu’il avait été embauché par une société concurrente alors qu’il était toujours gérant de la société Dream Team Sport. Elle est approuvée par la Cour de cassation qui juge que cette circonstance ne suffit pas à caractériser une déloyauté.
L’on ne saurait tirer de conclusion générale de cet arrêt et affirmer que la Cour de cassation valide un principe général selon lequel un mandataire social est autorisé à avoir un contrat de travail avec une société concurrente. L’arrêt s’explique vraisemblablement par son contexte et l’abandon du premier projet imaginé par les quatre associés dans la mesure où les demandeurs avaient eux-mêmes monté une entreprise concurrente.
En l’absence de telles circonstances, il est probable que l’acceptation d’un emploi salarié chez une société concurrente par le mandataire social d’une société aurait été perçue comme un manquement à l’obligation de loyauté de ce dernier.
Formulée de manière générale, cette obligation prescrit au dirigeant d’agir en toutes circonstances de bonne foi dans l’intérêt de la société et de ses associés.
Il a ainsi été jugé que l’obligation de loyauté interdisait au dirigeant d’une société de négocier, pour le compte d’une autre société dont il était également dirigeant, un marché dans le même domaine d’activité (Cass. com. 15 novembre 2011 n°10-15.049). Une condamnation sur le même fondement a également été prononcée à l’encontre du dirigeant qui avait négocié, à l’insu des associés de sa société, pour son compte personnel l’acquisition de l’immeuble dans lequel la société exerçait son activité, alors que celui-ci savait que les autres associés projetaient de l’acquérir ensemble (Cass. com. 18 décembre 2012 n°11-24.305).
L’obligation de loyauté des dirigeants sociaux reste donc un principe auquel la jurisprudence récente confirme son attachement.