Précision d’ordre procédural relative à l’action liée au principe d’irresponsabilité du créancier en cas de procédure collective

Par Nicolas Sidier et Pierre Détrie

Cass. com., 12 juillet 2016, n°14-29.429

 

L’article 650-1 du Code de commerce pose le principe dit de l’irresponsabilité du créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté. Pour mémoire, son premier alinéa dispose :

 

« Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. »

 

La question posée par cette espèce est celle du tribunal compétent pour connaître de cette action en responsabilité lorsque le demandeur soulève une exception au principe d’irresponsabilité.

 

A la suite du redressement et de la liquidation judiciaires de la société Rue le Bec les 17 juillet et 28 août 2012, le liquidateur a recherché la responsabilité de la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes et d’une SCI. Ladite SCI a alors soulevé l’incompétence du tribunal de la procédure collective.

 

La Cour d’appel rejette cette exception aux motifs que « les exceptions aux principes d’irresponsabilité visées à l’article L. 650-1 du Code de commerce sont propres aux procédures collectives et conduisent à considérer que l’action, prévue par un texte d’ordre public figurant au livre VI du Code de commerce, est liée à la procédure collective et relève donc de la seule compétence du tribunal de cette procédure ».

 

La Cour de cassation ne partage pas cet avis et casse l’arrêt, et ce malgré le caractère d’ordre public reconnu des dispositions de l’article L. 650-1 du Code de commerce. En effet, dans la mesure où la responsabilité d’un créancier à raison des concours qu’il a consentis peut être engagée en dehors d’une procédure collective et où l’article L. 650-1 du Code de commerce se borne à limiter la mise en œuvre de cette responsabilité lorsque le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, la Cour d’appel a posé des conditions qui n’étaient pas propres à cette procédure. Il en résulte que l’action contre le créancier n’est pas née de la procédure collective ou soumise à son influence.

 

La SCI, non commerçante, aurait donc dû être assignée devant le Tribunal de grande instance.