Jusqu’au 1er janvier 2017, face à la dégradation de l’état de santé de son salarié suite à un accident du travail ou une maladie d’origine professionnelle ou non professionnelle, l’employeur devait organiser deux visites de reprise espacées de 15 jours. Après avoir réalisé une étude de poste et des conditions de travail, le médecin du travail rendait alors un avis d’aptitude le cas échéant avec réserves ou un avis d’inaptitude. En cas d’inaptitude, l’employeur devait ensuite effectuer des recherches de reclassement même lorsque cela était médicalement contre-indiqué et que le salarié ne voulait pas être reclassé dans l’entreprise ou le groupe. Ce n’était qu’en cas d’impossibilité de reclassement que l’employeur pouvait procéder à la rupture du contrat de travail du salarié déclaré inapte. En pratique, cette procédure donnait lieu à de nombreux contentieux, source d’insécurité.
Selon l’étude d’impact du projet de Loi El Khomri du 24 mars 2016, la déclaration d’inaptitude déboucherait dans environ 95% des cas à un licenciement, « le reclassement des salariés s’avérant impossible car envisagé trop tardivement, sans implication du salarié et de l’employeur dans ce processus ».
Face à ce constat, la Loi Travail du 8 août 2016, réformant la procédure d’inaptitude, a souhaité mettre l’accent sur la prévention en privilégiant l’anticipation des propositions d’aménagement de poste et de reclassement dans l’entreprise ou le groupe, et en ne délivrant l’avis d’inaptitude qu’en dernier recours.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, la procédure de constatation de l’inaptitude implique préalablement une phase de concertation.
Le médecin du travail doit réaliser un examen médical (deux si nécessaire espacés de 15 jours maximum), réaliser lui-même ou par un professionnel de santé de l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail une étude de poste et des conditions de travail et échanger avec le salarié et l’employeur lesquels ont la possibilité de présenter leurs observations avant la délivrance de l’avis (article R. 4624-42 du Code du travail).
Lorsqu’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, le médecin du travail rend un avis d’inaptitude assorti de ses conclusions écrites et d’indications sur le reclassement et l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté (articles L. 1226-2, L. 1226-10 et L. 4624-4 et suivants du Code du travail).
Ces dernières indications sur la formation n’étaient auparavant prévues que dans les entreprises d’au moins 50 salariés et uniquement en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (article L. 1226-10 ancien du Code du travail).
La loi Travail a harmonisé les dispositions portant sur l’obligation de reclassement de l’employeur quelle que soit l’origine de l’inaptitude permettant ainsi de sécuriser juridiquement tant l’employeur que le salarié et de limiter le risque contentieux.
A cet égard, l’employeur doit également consulter les délégués du personnel sur les postes susceptibles d’être proposés au salarié que son inaptitude soit d’origine professionnelle ou non (articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail).
Le poste proposé au salarié déclaré inapte doit être approprié à ses capacités, tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur son aptitude à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un emploi adapté et être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que la mutation, l’aménagement, l’adaptation ou la transformation de postes existants ou l’aménagement du temps de travail (article L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail).
Ainsi, l’employeur proposant un emploi qui répond à ces critères sera présumé avoir satisfait à son obligation de reclassement.
S’agissant des solutions de reclassement, selon une jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation, l’employeur peut prendre en compte les restrictions géographiques émises par le salarié inapte refusant par écrit les postes proposés au motif qu’ils seraient trop éloignés de son domicile et se dispenser, le cas échéant, d’une recherche de reclassement à l’étranger (Cass. soc. 23 novembre 2016, n°14-26.398 et n°15-18.092 ; Cass. soc. 8 février 2017, n°15-22.946).
Par ailleurs, les articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail prévoient que l’employeur peut rompre le contrat de travail du salarié déclaré inapte si le médecin du travail précise dans son avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Cette dispense de recherche de reclassement s’applique également pour le salarié inapte embauché en CDD (article L. 1226-20 du Code du travail).
L’employeur peut engager une procédure de licenciement pour motif personnel lorsqu’il justifie soit du refus par le salarié de l’emploi proposé, soit de son impossibilité de proposer un reclassement après en avoir fait connaître les motifs par écrit au salarié inapte (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12).
Les règles indemnitaires restent différentes selon que l’inaptitude est d’origine professionnelle ou non professionnelle. En effet, l’indemnité compensatrice de préavis n’est due et le montant de l’indemnité de licenciement n’est doublée (sauf si le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement est plus favorable) qu’en cas de licenciement consécutif à une inaptitude d’origine professionnelle (article L. 1226-14 du Code du travail).
De même, si la rupture de son contrat de travail résultant d’une inaptitude d’origine professionnelle et d’une impossibilité de reclassement est jugée sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité au moins égale à douze mois de salaire, contre six mois minimum en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle (L. 1235-3 du Code du travail).
Enfin, l’employeur comme le salarié conserve la possibilité de contester les avis et mesures émis par le médecin du travail. Cependant, la contestation des éléments de nature médicale doit être portée non plus devant l’inspecteur du travail mais devant la formation de référé du conseil de prud’hommes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision du médecin du travail (articles L. 4624-7 et R.4624-15 du Code du travail). Le décret d’application du 27 décembre 2016 ne précise en revanche ni le délai dans lequel le conseil de prud’hommes doit procéder à la désignation du médecin-expert, ni le délai dont dispose ce dernier pour rendre sa décision.
Cette réforme de la procédure d’inaptitude a donc vocation à être complétée par de nouveaux textes ou de la jurisprudence, en espérant que la situation du salarié déclaré inapte et la position de l’employeur seront abordées de manière plus constructive en concertation avec le médecin du travail pour favoriser le reclassement du salarié, lequel reste l’objectif premier poursuivi.