La réforme de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information a pour objectif d’adapter la législation sur le droit d’auteur à la nouvelle donne numérique.
Il renforce ou aménage certaines exceptions au monopole des titulaires du droit d’auteur dans les domaines de l’enseignement, de la recherche scientifique, de la fouille de texte et de données (« data mining ») ou de l’exploitation des institutions de gestion du patrimoine culturel.
Sur les 24 articles de la directive, deux articles ont cristallisé les débats.
Il s’agit des articles 11 et 13 qui traitent deux sujets différents.
– La création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse (article 11)
Cet article reconnait aux éditeurs de presse un droit voisin sur l’exploitation de leurs contenus d’une durée de deux ans (il était prévu un droit sur 20 ans dans le projet initial) pour la réutilisation en ligne par des agrégateurs d’information et les réseaux sociaux. L’utilisation en ligne des articles de presse devra donc faire l’objet d’une rémunération auprès des éditeurs de presse.
L’article 11 prévoit cependant plusieurs exceptions.
D’abord, le partage d’hyperlien menant à des articles de presse entre internautes n’est pas concerné par cette licence.
Surtout, il sera autorisé de citer de « très courts » extraits (ou d’utiliser des mots isolés) afin d’accompagner l’hyperlien renvoyant vers un article de presse.
A défaut de précision, cette exception de citation de très court extrait risque de soulever de nombreuses interrogations en pratique et de faire naître un contentieux relatif à son application. Il faudra donc attendre la transposition en droit interne ainsi que le développement de la jurisprudence à ce sujet pour connaître l’étendue de ce droit voisin.
On peut craindre que l’exception de citation de très court extrait vide le droit voisin de sa substance. Cependant cette exception semble être la réponse à la suite des échecs de l’instauration d’un tel droit voisin pour les éditeurs de presse en Allemagne et en Espagne.
– La responsabilisation des plateformes numériques (article 13)
Ce texte a pour objectif de responsabiliser les plateformes qui se prévalent de leur statut d’hébergeur.
Aujourd’hui, en vertu de ce statut, l’hébergeur doit simplement être réactif et rendre l’accès au contenu impossible promptement dès qu’il a connaissance de l’existence d’un contenu manifestement illicite (par exemple un contenu diffusé sans l’autorisation du titulaire des droits), c’est le système de notice and take down.
Le projet de directive prévoit l’obligation pour les plateformes numériques comme YouTube, Instagram, Dailymotion… de mieux rémunérer les créateurs en passant avec eux des accords de droits d’auteur. En l’absence du paiement d’une rémunération à l’ayant-droit par la plateforme, celle-ci verra sa responsabilité engagée.
Le projet prévoit que les plateformes passeraient d’un régime de responsabilité a posteriori à un régime de responsabilité a priori, c’est-à-dire que leur responsabilité est engagée dès lors qu’elles publient un contenu ne faisant pas l’objet de rémunération et portant ainsi atteinte au droit d’auteur.
En application de l’article 14, cette rémunération devra être juste et proportionnelle.
L’idée est d’engager les plateformes à négocier avec les sociétés de gestion de droits des accords globaux sur la rémunération des auteurs et des artistes-interprètes, ces dernières se sont d’ailleurs félicitées de la finalisation de ce texte.
Le texte n’impose pas expressément d’obligation de filtrage des contenus avant leur publication sur les plateformes, celles-ci étant tenues à faire leur possible pour obtenir une autorisation, les plateformes concernées ont fait savoir qu’en pratique le filtrage sera la solution la plus adaptée pour se conformer au texte.
Là encore le texte a aménagé quelques exceptions.
Les plateformes de moins de trois ans d’activité ayant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros restent soumises au régime de responsabilité de notice and take down. Toutefois, si leur niveau d’audience dépasse cinq millions de visiteurs uniques par mois, elles seront tenues à une obligation de moyens d’empêcher la réapparition du contenu signalé et retiré.
Il est prévu une exception globale pour les contenus créés à des fins de citation, de critique, d’avis, de caricature, de parodie ou de pastiche. Les youtubeurs ou les créateurs de « meme », de gif animés, lipdub ou autres fausses bandes annonces ou publicités devraient rester protégés.
Le texte doit désormais être approuvé par les représentants du Conseil Européen, la commission des affaires juridiques du Parlement puis voté en mars/avril 2019 par le Parlement dans son ensemble avant que les états membres de l’Union européenne ne le transposent dans leur droit interne.
Il y a donc encore du chemin à faire et nul doute que les lobbyistes n’ont pas encore abandonné l’idée d’y apporter quelques modifications.