Supprimer des emplois en dehors du cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, quel que soit son effectif et sans avoir à justifier de difficultés économiques ?
C’est désormais possible depuis l’entrée en vigueur, le 4 janvier 2018, du mécanisme de la rupture conventionnelle collective.
Ce nouveau mode autonome de rupture du contrat de travail, issu des Ordonnances Macron du 22 septembre 2017, a de quoi séduire une entreprise qui souhaite alléger ou réajuster ses effectifs sans passer par la procédure lourde et coûteuse d’un licenciement économique collectif.
La chaîne de prêt à porter féminin Pimkie et le groupe PSA font partie des toutes premières entreprises à avoir envisagé d’opter pour ce dispositif.
Concrètement, si la possibilité est désormais donnée à l’entreprise de réduire ses effectifs en l’absence de tout motif économique, elle devra cependant avoir au préalable négocié un accord collectif majoritaire avec les syndicats qui sera soumis et validé par l’administration s’il répond aux modalités d’application du dispositif précisées par un décret du 20 décembre 2017.
L’administration vérifie notamment que le comité économique et social (ou jusqu’à sa mise en place, le comité d’entreprise) a été informé de la mise en œuvre effective du projet de compression d’effectifs.
L’accord portant rupture conventionnelle collective doit déterminer le nombre maximal de départs envisagés et de suppressions d’emplois associées, ainsi que la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective.
La caractéristique de ce dispositif c’est qu’il est exclusif de tout licenciement. Ainsi, l’employeur ne peut pas envisager de procéder à des licenciements dans le cas où le nombre de candidats au départ ne serait pas suffisant par rapport aux suppressions d’emplois envisagées. Dans un tel cas, l’employeur n’aura pas d’autre choix que d’en rester là, à moins d’engager une procédure de licenciement pour motif économique.
L’accord détermine également les conditions que doit remplir le salarié pour bénéficier du dispositif de rupture conventionnelle collective et les critères permettant de départager plusieurs candidats au départ.
L’administration devrait porter une attention particulière aux critères retenus par l’accord pour veiller à ce qu’ils ne soient pas discriminatoires, notamment s’ils sont fondés sur des critères d’âge qui cibleraient les salariés seniors.
Naturellement, les indemnités de rupture ne peuvent pas être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement.
L’accord doit enfin préciser les mesures prises visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes.
Le salarié doit donner son accord écrit. Il pourra d’ailleurs contester cette rupture dans les 12 mois qui suivent la rupture effective du contrat de travail. L’annulation par le juge de la rupture du contrat de travail pourrait être motivée par le vice du consentement ou la fraude de l’employeur et produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A l’instar de la rupture conventionnelle individuelle qui existe depuis 10 ans, il est fort à parier que ce dispositif va connaître un certain engouement, d’autres entreprises ayant déjà manifesté leur projet de recourir à la rupture conventionnelle collective pour supprimer des emplois.
Certains politiques et syndicats y voient déjà un moyen pour l’employeur de se séparer facilement et rapidement de ses salariés à moindre coût en s’affranchissant de la mise en place d’un plan social économique. D’autres y voient également une menace sur l’emploi des seniors.
Force est cependant de reconnaître qu’un départ volontaire dans le cadre d’un plan négocié sur une longue durée a l’avantage de dédramatiser la situation, un licenciement économique étant souvent vécu comme une expérience traumatisante par les salariés.
Le dispositif offre, de plus, des garanties qui devraient éviter ce genre d’écueil : l’employeur ne peut pas décider seul de recourir à une rupture conventionnelle collective, il doit avoir négocié en amont avec les syndicats ayant obtenu au moins 50% des suffrages des salariés lors des dernières élections professionnelles (ce que n’a pas réussi à faire la Direction de Pimkie).
L’administration opère ensuite un contrôle. Elle devra notamment s’assurer que le plan n’est pas un plan de préretraite en ciblant les seniors ou qu’il ne s’agit pas d’un plan social économique déguisé.
Il reste à savoir si la Direccte disposera effectivement de moyens suffisants pour exercer un tel contrôle.