- Violations reprochées
- Contrôle positif
Simona Halep, joueuse de tennis professionnelle, a été contrôlée le 29 août 2022 alors qu’elle participait à l’US Open. Il convient de préciser qu’elle avait déjà été testée trois jours auparavant, le 26 août, pour un résultat négatif.
L’échantillon prélevé le 29 août a été divisé en deux échantillons A et B. Le rapport d’analyse a révélé que l’échantillon A contenait du Roxadustat, une substance interdite figurant dans la Liste de l’Agence mondiale antidopage (AMA) pour 2022 dans la catégorie suivante : EPO (érythropoïétine) – Substance non-spécifiée – Classe S2 : Hormones peptidiques, facteurs de croissance, substances apparentées et mimétiques.
Les organisations antidopage appliquent le principe de la responsabilité objective (« strict liability ») selon lequel le sportif est responsable de toutes les substances retrouvées dans son organisme. Ainsi, la seule présence d’une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs dans l’échantillon d’un sportif, à moins qu’il ne dispose d’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT), suffit à présumer que ce dernier a commis une violation des règles relatives à la lutte contre le dopage, sans qu’il y ait lieu pour l’autorité de contrôle de faire la preuve que l’usage de cette substance a revêtu un caractère intentionnel ou a résulté d’une faute ou d’une négligence du sportif.
La caractérisation de la violation entraîne l’application d’une suspension dont la durée est fixée par le Code Mondial Antidopage (CMAD), qui est transposé dans les règlements des fédérations internationales et/ou dans les règlementations nationales.
Cette période de suspension peut toutefois être éliminée ou réduite si le sportif parvient à démontrer qu’il n’a commis aucune faute ou que celle-ci n’est pas significative. Le degré de faute est apprécié selon des critères objectifs et subjectifs, en application du principe de prépondérance des probabilités.
Les résultats d’analyse anormaux qui concernent des substances dites non-spécifiées (ce qui est le cas ici) entraînent une suspension provisoire obligatoire durant laquelle le sportif n’est pas autorisé à participer à des compétitions organisées par les instances dirigeantes du sport concerné.
Simona Halep a exercé son droit, conformément au Tennis Anti Doping Program (TADP), de demander l’analyse de l’échantillon B dont le résultat a confirmé celui de l’échantillon A.
- Passeport Biologique Anormal (ABP)
Le programme ABP développé par l’Agence mondiale antidopage (AMA) est une méthode selon laquelle les organisations antidopage surveillent divers paramètres sanguins au fil du temps afin d’identifier d’éventuelles violations des règles antidopage. Ce programme est géré par des scientifiques disposant d’une expertise spécifique en matière de dopage sanguin, regroupés sous le nom d’Athlete Passport Management Unit (APMU).
En pratique, lorsque la surveillance du passeport biologique du sportif réalisée par l’APMU permet d’identifier d’éventuelles violations des règles antidopage, ces irrégularités sont signalées de façon anonyme à son groupe d’experts composé de trois scientifiques, lesquels vont se positionner sur une suspicion de dopage.
Une conclusion défavorable (« likely doping ») de ce panel d’expert entrainera une violation présumée des règles relatives à la lutte contre le dopage.
Dans le cas de Simona Halep, l’étude de son profil ABP a conduit le panel d’experts à notifier une violation présumée, distincte et s’ajoutant à celle concernant la présence de Roxadustat dans l’échantillon analysé et ayant entrainé la suspension provisoire initialement prononcée.
- Sanction
En présence d’une substance dite non-spécifiée (comme c’est le cas ici), la suspension encourue est de quatre ans, à moins que le sportif démontre que la violation n’était pas intentionnelle.
S’agissant du caractère intentionnel, le CMAD précise :
« (…) le terme « intentionnel » vise à identifier les sportifs (…) qui ont adopté un comportement dont ils savaient qu’il constituait une violation des règles antidopage ou qu’il existait un risque important qu’il puisse constituer ou entraîner une violation des règles antidopage, et ont manifestement ignoré ce risque. (…). »
Concernant les compléments alimentaires, considérant le risque connu de présence dans ces compléments de substances interdites, les organisations antidopage écartent souvent toute possibilité de prise non-intentionnelle.
De même, la réduction de la sanction pour absence de faute ou de négligence significative est rarement appliquée dans les cas de compléments alimentaires contaminés.
En l’espèce, Simona Halep a soutenu que le résultat d’analyse anormal provenait de la consommation d’un complément alimentaire à base de collagène contaminé par du Roxadustat.
Le Tribunal Indépendant a accepté cet argument mais a déterminé que le volume ingéré par la joueuse par l’intermédiaire de ce complément ne pouvait pas avoir entraîné la concentration de Roxadustat trouvée dans l’échantillon positif et qu’il y aurait donc une autre source.
Concernant l’infraction relative à l’ABP, le Tribunal Indépendant a déclaré qu’il n’avait aucune raison de douter de la « forte opinion » unanime des trois experts de l’APMU, selon laquelle un « dopage probable » expliquerait les irrégularités du profil de Simona Halep.
Simona Halep ayant été suspendue provisoirement depuis le mois d’octobre 2022, la période de suspension déjà purgée a été déduite de la suspension de quatre ans infligée par le Tribunal Indépendant. En conséquence, elle expirera le 6 octobre 2026, ce qui sonne le glas de la carrière professionnelle de l’ancienne numéro un mondiale.
Cette décision est toutefois susceptible d’appel devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) de Lausanne.
- Observations
Le Roxadustat, vendu sous le nom de marque Evrenzo, est un médicament contre l’anémie administré par voie orale.
C’est un inhibiteur de la prolyl-hydroxylase HIF qui augmente la production endogène d’érythropoïétine (EPO) et stimule la production d’hémoglobine et de globules rouges, raison pour laquelle cette substance figure sur la liste des substances interdites de l’AMA car elle est considérée comme un agent de dopage sanguin.
Le taux de Roxadustat identifié dans l’échantillon urinaire de Simona Halep est de 0,2 nanogramme par millilitre. D’après les experts qu’elle a missionnés ce taux extrêmement faible ne peut correspondre qu’à une contamination, a fortiori dans la mesure où elle avait été testée négativement trois jours auparavant. Ils soulignent en outre qu’à une telle concentration il est impossible que le produit ait été consommé à des fins de dopage.
Toutefois, la mise en évidence de cette contamination n’est pas unanime : la méthode utilisée par les experts de Simona Halep a permis d’identifier la substance dans la poudre consommée, mais celle utilisée par le laboratoire américain accrédité par l’AMA ne le permet pas.
Plus encore, ces experts précisent avoir fait consommer la poudre de collagène concernée à une collaboratrice et que sur les 35 échantillons analysés (du premier au sixième jour du test) seuls 7 résultats ont été positifs !
On peut dès lors se poser la question suivante : le résultat d’analyse du 26 août pourrait-il être un faux négatif ? De toute évidence c’est une possibilité.
Quoiqu’il en soit, dans le cas de Simona Halep, le Tribunal Indépendant considère que l’hypothèse d’une contamination entre le 26 (test négatif) et le 29 août (test positif) n’est pas suffisante pour expliquer le résultat anormal.
Pour leur part, les experts missionnés par Simona Halep affirment qu’il est pharmacologiquement impossible qu’une prise extérieure de Roxadustat (hors contamination due à la poudre de collagène) entre le 26 et le 29 août 2022 conduise à une concentration de 0,2 nanogramme, sauf à consommer des microdoses totalement inefficaces.
En attendant un éventuel second set devant le TAS, l’avenir professionnel de Simona Halep, qui vient de fêter ses 32 ans ce 27 septembre, s’est considérablement assombri.
Pour toute information, contactez Gauthier Moreuil (moreuil@pechenard.com)