La simplification de la tenue du juridique des sociétés n’est pas pour demain

Par Nicolas Sidier et Pierre Détrie

1/ Entrée en vigueur du registre des bénéficiaires effectifs

 

L’ordonnance n° 2016-1635, qui transpose l’article 30 de la directive 2015/849/UE, introduit en droit français un registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales dans le cadre du renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

 

Le décret n° 2017-1094 du 12 juin 2017 précise les modalités de dépôt et le contenu du document relatif au bénéficiaire effectif ainsi que les conditions de communication du document aux autorités compétentes.

 

Le texte entre en vigueur le 1er août 2017. Les personnes morales immatriculées avant cette date ont jusqu’au 1er août 2018 pour se conformer à ses dispositions. Le dispositif est codifié aux articles L. 561-46 et L. 561-47 du Code monétaire et financier et s’applique aux sociétés, groupements d’intérêt économique, associations et fondations soumises à immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

 

Le bénéficiaire effectif est défini comme la ou les « personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société ou sur l’assemblée générale de ses associés » (article R. 561-1 du Code monétaire et financier).

 

Un projet de décret en cours d’élaboration devrait venir préciser que le pouvoir de contrôle sur les organes ou sur l’assemblée générale s’entend au sens de l’article L. 233-3, I 3° et 4° du Code de commerce.

 

Les personnes morales devront déposer au greffe un document contenant les éléments d’identification des bénéficiaires effectifs et l’indication de leur domicile personnel ainsi que les modalités du contrôle exercé lors de la demande d’immatriculation ou au plus tard dans les 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise.

 

Le document devra contenir :

 

– la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège social de la personne morale et, le cas échéant, son numéro RCS ;
– les nom, nom d’usage, pseudonyme, prénom, date et lieu de naissance, nationalité, adresse personnelle de la ou des personnes physiques ;
– la date à laquelle la ou les personnes physiques sont devenues le bénéficiaire effectif de la personne morale.

 

Un nouveau document devra être modifié dans les 30 jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations mentionnées ci-dessus.

 

Le décret prévoit une longue liste des autorités à qui le document pourra être communiqué (article R. 561-57 du Code monétaire et financier), à titre d’illustrations, les personnes suivantes notamment pourront en demander communication : magistrats de l’ordre judiciaire, agents des douanes ou de la direction générale des finances publics, enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers. En outre, il pourra être communiqué à toute autre personne autorisé par une décision de justice qui n’est plus susceptible d’une voie de recours ordinaire.

 

Le document pourra également être communiqué aux autorités et organismes financiers assujettis à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (établissements de crédit, compagnies d’assurance, mutuelles, prestataires de services d’investissement etc.) qui en font la demande. Celle-ci est formée par requête et doit mentionner à peine d’irrecevabilité : les renseignements d’identification concernant le demandeur, l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est formée, l’objet et le fondement de la demande ainsi que les pièces sur lesquelles elle est fondée.

 

La requête sera examinée par le juge commis à la surveillance du RCS qui pourra mener d’office toutes les investigations utiles et prendre sa décision sans débat.

 

L’ordonnance sera notifiée au requérant et aux bénéficiaires effectifs et sera susceptible d’appel. Lorsqu’il émane du requérant, il est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse selon les dispositions des articles 950 à 953 du Code de procédure civile. S’il émane du bénéficiaire effectif, l’appel sera formé, instruit et jugé comme en matière contentieuse selon les dispositions des articles 931 à 934 du même code.

 

Enfin, l’ordonnance permet à toute personne justifiant d’un intérêt de saisir le président du tribunal aux fins d’enjoindre, sous astreinte le cas échéant, une société à déposer le document relatif aux bénéficiaires effectifs.

 

Lorsque le Président du Tribunal ordonne à une société de déposer le document, son ordonnance, qui n’est pas susceptible de recours, fixe le délai de dépôt et, le cas échéant, le taux de l’astreinte et mentionne les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée en cas de non-respect de l’injonction.

 

En cas de non-exécution dans le délai imparti, le greffier constate le non-dépôt du document et le président statue sur les mesures à prendre et procède s’il y a lieu à la liquidation de l’astreinte. La décision est ensuite notifiée par le greffier et est susceptible d’appel formé, instruit et jugé selon les règles applicable à la procédure sans représentation obligatoire.

 

Le texte prévoit des sanctions pénales en cas d’absence de dépôt du document ou en cas de dépôt du document avec des informations inexactes : six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.

 

2/ Rapport sur le gouvernement d’entreprise

 

L’ordonnance du 12 juillet 2017, prise en application de la loi Sapin 2 introduit un rapport sur le gouvernement d’entreprise qui devra être présenté aux assemblées générales ordinaires annuelles d’approbation des comptes de SA et de SCA pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017.

 

Ce rapport devra faire l’objet d’un rapport autonome ou pourra être présenté dans une section spécifique du rapport de gestion et devra contenir les informations suivantes (article L. 225-37-4 du Code de commerce) :

 

1° la liste de l’ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chaque mandataire social durant l’exercice ;
2° les conventions intervenues, directement ou par personne interposée, entre, d’une part, l’un des mandataires sociaux ou l’un des actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % d’une société et, d’autre part, une autre société dont la première possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital, à l’exception des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ;
3° un tableau récapitulatif des délégations en cours de validité accordées par l’assemblée générale des actionnaires dans le domaine des augmentations de capital, par application des articles L. 225-129-1 et L. 225-129-2, et faisant apparaître l’utilisation faite de ces délégations au cours de l’exercice ;
4° à l’occasion du premier rapport ou en cas de modification, le choix fait de l’une des deux modalités d’exercice de la direction générale prévues à l’article L. 225-51-1 ;
5° la composition, ainsi que les conditions de préparation et d’organisation des travaux du conseil ;
6° l’application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil ;
7° les éventuelles limitations que le conseil d’administration apporte aux pouvoirs du directeur général ;
8° lorsqu’une société se réfère volontairement à un code de gouvernement d’entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l’ont été, ainsi que le lieu où ce code peut être consulté, ou, à défaut d’une telle référence à un code, les raisons pour lesquelles la société a décidé de ne pas s’y référer ainsi que, le cas échéant, les règles retenues en complément des exigences requises par la loi ;
9° les modalités particulières de la participation des actionnaires à l’assemblée générale ou les dispositions des statuts qui prévoient ces modalités.

 

Les informations relatives aux rémunérations des dirigeants qui par le passé devaient figurer dans le rapport de gestion devront désormais être incluses dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise.

 

L’ordonnance prévoit également des informations spécifiques pour les sociétés cotées dès lors que celles-ci sont susceptibles d’avoir une incidence en cas d’offre publique d’achat ou d’échange (article L. 225-37-5 du Code de commerce).