Depuis le début de la crise sanitaire liée à la Covid19, l’organisation de travail des salariés européens a été quelque peu chamboulée par la mise en place de mesures d’urgence telles que le télétravail.
Cette mesure est plus que jamais au cœur des préoccupations tant pour les salariés que pour les employeurs.
La généralisation du télétravail a conduit nécessairement à un accroissement des problématiques et des contentieux en la matière.
D’ailleurs, une décision du tribunal social fédéral allemand (la juridiction suprême du pays qui statue en droit social) rendue le 8 décembre dernier n’a pas manqué d’interpeller.
Le 17 septembre 2018, un chef régional des ventes de la société Volkswagen, sort de son lit pour se rendre directement dans son bureau situé un étage plus bas de son domicile afin d’y débuter sa journée de télétravail. Il emprunte donc l’escalier qui relie sa chambre à son bureau, chute, se casse une jambe et se fracture une vertèbre.
Face au refus d’indemnisation de la part de l’assurance professionnelle, ce salarié a engagé une procédure judiciaire qui l’a mené jusqu’en dernière instance.
La question était de savoir si le trajet entre le lit du salarié en télétravail et son bureau (sans passer par la cuisine ou la salle de bain) était considéré comme un accident de travail.
En Allemagne, même si les différents degrés de juridictions ont eu des positions différentes, il a été jugé, en dernier ressort, que tomber en sortant du lit pour se rendre à son bureau situé à son domicile et ce, afin de faire du télétravail, justifiait une prise en charge au titre des accidents du travail.
En première instance, le tribunal social avait jugé que le premier trajet matinal entre le lit et le bureau au domicile du salarié était un trajet professionnel.
En appel, les juges avaient infirmé cette décision en retenant la qualification d’acte préparatoire qui précède l’activité réelle de travail et qui ne pouvait être admis comme un accident du travail.
Enfin, il y a quelques jours, la juridiction suprême sociale a analysé un tel trajet à domicile comme « un itinéraire de travail assuré » dès lors que l’escalier était utilisé par le salarié pour se rendre sur son lieu de travail, à domicile.
Le tribunal social fédéral allemand a précisé que l’objectif de sa décision était de garantir « la sécurité et la protection de la santé des salariés lors de l’aménagement et de l’exploitation des lieux de travail ».
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Face à une telle décision de nos voisins européens, il est légitime de s’interroger sur ce que pourrait être la position des tribunaux français dans une telle hypothèse.
En France, le code du travail définit le télétravail comme « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (article L. 1222-9).
En termes d’accident de travail, lorsque les faits surviennent au domicile du télétravailleur, tout est une question de preuve.
Le droit français prévoit, en effet, une présomption du caractère professionnel de l’accident selon les règles de droit commun mais des réserves pourront être plus souvent émises par l’employeur en raison de la difficulté de distinguer si le salarié était en situation de télétravail ou non.
Si l’employeur souhaite contester le caractère professionnel de l’accident, à charge pour lui de démontrer qu’il n’était pas lié à l’exercice de l’activité professionnelle de son salarié.
C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article L. 1222-9 du code du travail précité « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle est présumé être un accident du travail ».
La période d’exercice de l’activité professionnelle doit donc être bien déterminée, avec des contraintes horaires et/ou des plages de présence obligatoires par exemple, ainsi que le lieu du télétravail.
En cas de réserve de l’employeur, il appartient au salarié de prouver le lien de causalité entre l’accident et le travail qu’il s’est vu confier.
Quant à l’accident de trajet plus particulièrement, la doctrine considère que l’accident survenu lors d’un trajet aller ou retour entre le lieu où s’exerce le télétravail et le reste de son domicile peut constituer un accident de trajet pris en charge par la législation sur les accidents de travail.
Le salarié en télétravail devra alors apporter la preuve du lien de causalité entre le parcours effectué et le travail.
Selon nous, la Cour de cassation prendra la même position que le tribunal social fédéral allemand si le salarié démontre qu’il s’est levé de son lit uniquement dans le but de se rendre directement à son bureau pour débuter sa journée de télétravail car il s’agirait bien d’un trajet « domicile-travail ».
Mais qu’en sera-t-il si le salarié en télétravail passe par sa salle de bain et/ou par la cuisine, avant de se rendre dans son bureau ?
On peut penser que la qualification d’accident de trajet sera a minima retenue pour l’accident survenu entre la cuisine ou la salle de bain et le bureau. Il pourrait en être autrement pour l’accident survenu entre la chambre et la cuisine ou la salle de bain car la nature « professionnelle » du déplacement pourrait être écartée.
La première décision rendue par la Haute Juridiction française répondra certainement à cette question. Elle est désormais attendue !
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